Événements climatiques extrêmes : bilan actuel des connaissances (4/5)

Hervé LE TREUT
Avec Hervé LE TREUT
Membre de l'Académie des sciences

Quelles sont les connaissances manquantes aux écologues, climatologues, physiciens... pour prévenir les événements extrêmes ? De quelles informations disposent-ils à ce jour ? Réponses dans cette quatrième partie du colloque de l’Académie des sciences consacré aux écosystèmes et évènements climatiques extrêmes. Communications en anglais/français.

_ Ce colloque de l’Académie des sciences qui s’est déroulé les 4, 5 et 6 juillet 2007 « Ecosystèmes et Evénements Climatiques Extrêmes », s’intéresse à la manière dont les écosystèmes (et les socio-écosystèmes) réagissent à des perturbations rares mais extrêmes de l’environnement.

Le thème central consiste à identifier quelles connaissances acquises ou à acquérir sont nécessaires pour préparer les sociétés humaines aux événements climatiques extrêmes. Les orateurs tirent partie du passé pour évaluer l’influence possible du changement climatique sur l’accroissement de la population mondiale prévu à l’horizon 2050.

Retrouvez sur Canal Académie les cinq angles abordés au cours de ce colloque :
- Événements climatiques extrêmes et société,
- Leçons du passé lointain,
- Réponse des systèmes écologiques aux événements extrêmes,
- Besoin de connaissance,
- Se préparer aux événements extrêmes

Dans cette quatrième partie, retrouvez les interventions de Philippe Naveau, Bernard Derrida, Hervé Le Treut, Jean-Claude André et Geoffrey Boulton

Philippe Naveau, Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE)

Méthodes Statistiques pour l’Analyse des Extrêmes Climatiques / Statistical methods for the analysis of climate extremes

Ces dernières années, il y a eu un intérêt croissant pour les événements extrêmes climatiques tels que les sécheresses, les vagues de chaleur, etc. Par définition, les événements extrêmes sont rares
mais ils se produisent et les records sont faits pour être battus. On doit donc se poser la question de savoir si les nouveaux records climatiques comme la vague de chaleur sur l’Europe en 2003 ou les tempêtes de l’hiver 1999 en France se sont produit par “hasard” (c’est-à-dire d’une manière aléatoire) ou si ces records sont dus au réchauffement climatique ou à d’autres phénomènes non stationnaires.

Tempête de décembre 1999

A ce jour, la communauté statistique n’a pas réussi à développer une théorie spatio-temporelle multivariée qui puisse complètement modéliser la distribution des valeurs extrêmes provenant d’un système complexe comme notre climat, et par conséquent de répondre de manière précise à ce type de question. Cependant, pour les cas simples (données stationnaires univariées), une base théorique existe pour traiter statistiquement les valeurs extrêmes. Il existe actuellement un fort intérêt scientifique pour le domaine de l’analyse des extrêmes climatiques parce qu’ils témoignent de certaines non linéarités importantes et leurs conséquences économiques et sociales sur l’activité
humaine sont énormes. Dans ce contexte, notre motivation est double.

Philippe Naveau rappelle les principes de base de la théorie des valeurs extrêmes qui est employée quotidiennement en finances et hydrologie, mais qui n’a pas encore réussi à avoir le même succès en climatologie. Il décrit les distributions théoriques des extrêmes. Les paramètres de telles distributions sont estimés à l’aide du procédé d’optimisation du maximum de vraisemblance qui offre la flexibilité nécessaire à l’intégration de variables explicatives.
Il détaille par la suite plusieurs études de cas pour montrer que cette théorie peut fournir une base statistique solide, particulièrement pour évaluer les incertitudes qui sont associées à toute analyse d’événements extrêmes dans le cadre de recherche climatique.

Bernard Derrida, Laboratoire de Physique Statistique, Ecole Normale
Supérieure

Quelques modèles simples présentant des évènements extrêmes / Simple models generating

Bernard Derrida

Au cours des 20 dernières années les physiciens ont développé des modèles simples pour décrire les distributions d'avalanches, de tremblements de terre ou d'extinction dans les problèmes d'évolution. Ces modèles, définis par des règles dynamiques extrèmement simples, engendrent des évènements dont la distribution décroît en loi de puissance. Dans cette communication, Bernard Derrida explique le rôle de ces lois de puissance dans l'apparition d'évènements extrèmes et discute deux exemples:
- le modèle de tas de sable de Bak-Tang-Wiesenfeld
- le modèle de Bak-Sneppen qui décrit une écologie d'espèces en évolution
Dans tous ces modèles, les évènements extrèmes apparaissent sans cause exogène.

Over the last 20 years physicists have developed simple models to describe the distributions of avalanches, earthquakes or extinction events in evolution. These models based on very simple dynamical rules, exhibit power law distributions of events. The goal of this lecture will be to explain the role of these power law distributions in the appearance of
extreme events and to discuss two simple examples:
- the sand pile model of Bak-Tang-Wiesenfeld
- the Bak-Sneppen model which is a toy model of the ecology of evolving species
In all these models extreme events are generated without need of any exogenous change.

Hervé Le Treut, Laboratoire de météorologie dynamique (LMD), Ecole Polytechnique, Ecole Normale Supérieure

Composante atmosphérique des changements hydrologiques: modélisation et observations /
Changes in the atmospheric component of the global hydrological cycle: observations and modelling

Hervé Le Treut

La composante atmosphérique du cycle de l’eau constitue l’un des éléments les plus sensibles du système climatique. Les rétroactions associées aux variations de la teneur en vapeur d’eau doublent
la réponse climatique à l’augmentation des gaz à effet de serre. Les rétroactions liées aux nuages sont un facteur d’incertitude considérable. L’incertitude liée à ces facteurs se traduit en termes de sensibilité climatique global, mais se traduit aussi de manière critique aux échelles régionales, sur les distributions de précipitations et leurs modifications associées au changement climatique global. Ces modifications sont aussi associées à des modifications dynamiques complexes et ont un caractère intrinsèque qui les rend susceptibles de persister dans le futur. Des progrès sont néanmoins attendus, car les modèles progressent, en résolution, en contenu physique et paramétrisations associées, et les méthodologies de comparaison modèles/données permettent de faire usage de mesures de plus en plus nombreuses en particulier au niveau satellitaire.

The atmospheric hydrological cycle is organized at a global scale, and constitutes one of the most sensitive components of the climate models which are used to investigate future climate changes. Water vapor feedbacks multiply the climate response to increasing greenhouse gases factor by a factor 2. The effect of cloud feedbacks is still largely unknown, in spite of recent progress. These hydrological features also affect the regional and continental distribution of precipitation and precipitation changes, with large remaining uncertainties, which are likely to persist in the coming years. But a number of improvements in the resolution of the models, in their parameterizations, the larger availability of data describing a larger number of parameters, all offer new perspectives for a better understanding of some of the key processes.

Jean-Claude André, Centre Européen de Recherche et de Formation Avancée en Calcul Scientifique (CERFACS)

Les cyclones tropicaux et le changement climatique / Tropical Cyclones and Climate Change

Sont présentés dans cette communication, les résultats d’observation et de modélisation en appui des conclusions du quatrième rapport du GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat):

- Pour la période passée et actuelle, l’activité cyclonique intense a augmenté dans l’Atlantique nord depuis 1970 environ, en bonne corrélation avec l’augmentation de la température de surface de l’océan. Dans d’autres régions, où les données d’observation sont de moindre qualité, la tendance à l’augmentation est moins marquée. De fait, la détection de tendances à long terme est rendue difficile par l’existence d’une variabilité naturelle multi-décennale et par la moindre fiabilité des observations disponibles avant l’arrivée des satellites météorologiques. Il n’y a par ailleurs pas de tendance claire à l’augmentation du nombre annuel des cyclones tropicaux au cours de la période récente.

- Pour le futur, les cyclones tropicaux (typhons et ouragans) seront vraisemblablement plus intenses, avec de plus grandes vitesses pour le maximum du vent et des précipitations plus importantes, toujours en relation avec la poursuite de l’augmentation de la température de surface de l’océan tropical. La confiance dans les résultats des modèles climatiques est moindre en ce qui concerne la tendance à la diminution du nombre total de cyclones. De plus, l’augmentation de la proportion de cyclones très intenses observée depuis les années 1970 dans quelques régions est supérieure à ce que les modèles climatiques sont capables de simuler pour ces mêmes périodes.

Jean-Claude André termine en indiquant quelques pistes pour l’amélioration des simulations climatiques dans la perspective de réduire les incertitudes affectant la prévision de l’activité cyclonique au cours des
prochaines décennies.

Geoffrey Boulton, School of Geosciences, University of Edinburgh

Événements glaciaires extrêmes / Extreme glacial events

Geoffrey Boulton

The range of extreme events to which glacial systems are subject are partly known from recent observations and partly known from the geological record. The former tend to be relatively high frequency, relatively small-scale events with local impacts. Low frequency, large-scale events with a potentially global impact necessarily need contributary evidence from the geological record if they are
to be evaluated and understood.
Examples of small-scale events result from the current very rapid glacier retreat in areas such as the Himalayas, where rapidly accumulating moraine dammed lakes, the transient weakness of rapidly
unloaded rock masses, and the high frequency of seismic shocks together can create devastating flooding and landslide/earthflow events. Moreover the extreme rapidity of current and probable future
glacier retreat has the potential to cause rapid changes in regional hydrology with severe impacts on agriculture.
On the scale of large ice sheets such as those of Greenland and Antarctica, we know from the geological record that, from time to time, very large scale collapse events have produced large fluxes
of icebergs into the oceans, with major impacts on ocean temperature, salinity, circulation, hemispheric climate and sea level. These collapse events have been located in major ice streams that are vital dynamic flow features of ice sheets. Modern studies suggest that the drainage regime at the base of the ice stream plays a key role in their stability. Such studies also suggest that current rapid climate changes are having an important impact on the drainage regime. The interplay of modern
observation and geological inference is crucial in determining the processes of drainage, the sources of instability, and the probability of extreme events.
The presentation reviews also the theoretical, experimental and monitoring results that are required for both small scale and large scale settings to evaluate risks and probabilities.

Écoutez également les quatre autres parties de ce colloque :
- Événements climatiques extrêmes et société (1/5)
- Événements climatiques extrêmes et évolution des espèces (2/5)
- Réponses de systèmes écologiques aux évènements extrêmes (3/5)
- Événements climatiques extrêmes : comment s’y préparer ? (5/5)

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