Produits laitiers : des alliés pour notre santé ?

avec Claude Jaffiol et Joël Menkès, membres de l’Académie de médecine

Boire du lait, manger des produits laitiers, prévient l’obésité, le diabète sucré, mais aussi le risque d’ostéoporose dans certaines conditions. Ce ne sont pas les lobbys industriels qui l’affirment, mais l’Académie nationale de médecine, dans un rapport publié en avril 2008 conjointement avec l’Académie d’agriculture.
Claude Jaffiol endocrinologue et Joël Menkès rhumatologue, nous donnent les détails des études réalisées dans leurs disciplines.

_ Les produits laitiers sont sujets à controverse. Le livre de Thierry Souccar publié en 2007, Lait mensonge et propagande, a en effet jeté un pavé dans la mare en affirmant que la consommation de lait pouvait induire des cancers de la prostate et des intestins.
Pour l'Académie nationale de médecine, ces affirmations ne sont pas vérifiées, les études sur lesquelles le journaliste scientifique s'appuie étant contradictoires.

Au contraire, pour l'Académie nationale de médecine, les produits laitiers sont nos amis, et elle le fait savoir au travers la publication d'un rapport réalisé conjointement avec l'Académie d'agriculture en avril 2008, intitulé Lait et santé est-il raisonnable de se priver de lait et de produits laitiers ?

Claude Jaffiol : le traitement des maladies de pléthore (obésité, diabète) :

L’obésite concerne un tiers des Français.


1. Les produits laitiers : des mange-graisses ?

Ce produit gras rebute ceux et celles qui entament un régime, et pourtant, ils pourraient bien être des alliés !

Plusieurs mécanismes sont invoqués pour interpréter l’influence favorable du lait et des produits laitiers sur la masse grasse :
- Tout d'abord, des études récentes ont prouvé que le calcium inhibait l’absorption intestinale des acides gras. Mais ce phénomène reste insuffisant pour expliquer le bénéfice observé.
- Une autre hypothèse suggère que le calcium apporté par le lait pourrait réduire la graisse adipocytaire. La diminution de la graisse viscérale, facteur important de risque métabolique et cardiovasculaire, est une conséquence intéressante de la consommation de lait et de laitages. Un apport accru de calcium dans l’alimentation réduit la production de cortisol impliqué dans la répartition de la graisse abdominale.

D’autres composés du lait dotés de propriétés bio-actives pourraient intervenir dans la régulation pondérale :
- le tryptophane précurseur de la sérotonine, pourrait avoir un effet satiétogène au niveau central ;
- d’autres acides aminés pourraient moduler la libération d’entéro hormones, intervenant dans la régulation de l’appétit et le métabolisme insulinique.
- des protéines du petit lait participerait à la baisse de la tension artérielle mais aussi à la baisse de fabrication de tissus adipeux.

Ces études expérimentales sont réalisées sur des souris. Mais les scientifiques ont bon espoir d'obtenir des résultats similaires sur l'homme.

2. Lutter contre le diabète sucré de type II

Pour les personnes touchées par un diabète de type II, le lait et les produits laitiers peuvent apporter des protéines et améliorer le métabolisme du glucose. Une étude de 2005 confirme que l’incidence du diabète chez les plus gros consommateurs de laitages est diminuée de 23% par rapport aux plus faibles utilisateurs. Le bénéfice est plus significatif avec les produits laitiers écrémés qu’avec les laits entiers.

3. Maladies cardiovasculaires : préférer les allégés

L’influence du lait et des produits laitiers sur le profil lipidique sanguin fait l’objet de résultats contradictoires. Pour certains, l’augmentation de la ration lipidique augmente le cholestérol LDL et HDL et diminue les triglycérides plasmatiques. Pour d’autres, leur consommation n’élève pas le taux des triglycérides ni du cholestérol.

Mais le pouvoir athérogène des laitages et le risque cardiovasculaire qui en découle est confirmé dans de nombreuses publications.

Ces incertitudes conduisent à préférer les produits allégés ne comportant aucun sucre ajouté.

Joël Menkès : la prévention de l'ostéoporose en associant à la fois calcium et vitamine D :

Après 30 ans, la masse osseuse diminue lentement aboutissant à un déficit de 3 à 5% tous les 10 ans.


Le lait et les produits laitiers dérivés sont la principale source du calcium, indispensable, non seulement, à la régulation du métabolisme osseux, mais aussi à :
- l’activation des systèmes enzymatiques,
- la coagulation sanguine,
- la contraction musculaire.

Les apports quotidiens recommandés varient selon les pays et les institutions. À partir de 10-12 ans, les besoins sont de 1000 mg par jour, mais augmentés à 1200-1500 mg par jour, à l’adolescence (14-18 ans), en fin de grossesse, après la ménopause et chez l’homme de plus de 65 ans. Les doses supérieures à 2000 mg par jour sont inutiles, la limite inférieure étant fixée à 700-800 mg par jour. Le régime optimal correspond, quotidiennement, à trois prises de laitages.

Le rôle préventif du calcium sur l’ostéoporose est controversé (l'ostéoporose est une maladie plurifactorielle, le problème n'est pas que vitamino-calcique), mais on s’accorde sur l’importance de corriger une éventuelle carence, plus inquiétante si elle est associée à un déficit en vitamine D. La correction de la carence vitamino-calcique permet de prévenir les fractures des sujets âgés. Elle est obligatoirement associée aux traitements, préventifs ou curatifs, de l’ostéoporose.

Le tissu osseux est composé pour moitié de protéines, dont le collagène de type I et pour moitié de cristaux de phosphate de calcium. C’est dire l’importance d’une diététique correcte pour l’acquisition et le maintien d’une masse osseuse optimale car l’os est une structure en perpétuel renouvellement.
La dose journalière conseillée chez l’adulte, jusqu’à la ménopause, est de (1000mg) /jour et à partir de la ménopause de 1500mg/jour.

Les produits non laitiers, la viande, les légumes et les fruits, apportent environ 200mg/jour de calcium, le complément étant assuré par les produits laitiers et les eaux minérales plus ou moins riches en calcium.
La teneur en calcium des produits laitiers varie de 120mg/100g pour les moins riches (lait entier ou demi écrémé, fromage de Brie ou de chèvre frais) à 1200mg pour le Beaufort et le Gruyère.

Chez les sujets âgés de plus de 65 ans un supplément en calcium de 1300 mg à 1700mg/jour réduit la perte osseuse et le risque fracturaire, en présence de vitamine D, qui intervient dans l’absorption du calcium.
En réalité, les carences en calcium sont relativement rares contrairement aux carences en vitamine D, indispensable à l’absorption intestinale du calcium.

Claude Jaffiol est professeur honoraire à la Faculté de médecine de Montpellier, ex-chef du service d'endocrinologie à l'hôpital Lapeyronie (Montpellier), membre de l'Académie nationale de médecine, et actuellement consultant à la Mutualité à Montpellier.

Joël Menkès, rhumatologue, membre de l’Académie nationale de médecine

Joël Menkès est ancien chef de service en rhumatologie à l’hôpital Cochin, professeur émérite à l’université Paris V, membre de l’Académie nationale de médecine.

En savoir plus :
Rapport conjoint de l'Académie nationale de médecine et l'Académie d'agriculture, Lait et santé est-il raisonnable de se priver de lait et de produits laitiers ? (rapport du 2 avril 2008)

- Académie nationale de médecine
- Académie d'agriculture

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