La Commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat se mobilise sur de nombreux fronts

avec Jacques Legendre, président de cette Commission, invité de Myriam Lemaire
Avec Myriam Lemaire
journaliste

Préparer l’avenir de la filière du livre numérique, promouvoir la création de contenus culturels en ligne, protéger le patrimoine monumental de l’Etat et garantir la mémoire collective : ces questions de fond ont mobilisé la Commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat. Elles sont évoquées ici par Jacques Legendre, Sénateur du Nord, Président de cette Commission, qui est à nouveau l’invité de Myriam Lemaire dans cette série d’émissions sur le Sénat.

Émission proposée par : Myriam Lemaire
Référence : ecl708
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_ La Commission de la culture, de l’éducation et de la communication est l’une des six commissions permanentes du Sénat, au sein desquelles les sénateurs sont répartis, chaque sénateur étant membre d’une seule Commission. Elle est composée de 56 sénateurs reflétant l’importance des forces politiques au Sénat.

Ses champs de compétences sont très variés. Ils concernent l’éducation, la recherche, la culture, la communication, mais aussi le sport, la jeunesse, la vie associative et la francophonie, une cause dont Jacques Legendre est un militant de longue date. Il occupe aussi la fonction de secrétaire général de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie (APF).

Des activités diversifiées

La Commission intervient chaque année à l’automne, lors des débats sur la loi de finances et donne un avis sur les budgets qui relèvent de ses attributions. « C’est un moment important », souligne notre invité.
Elle a l’obligation de se saisir des propositions de loi et projets de loi concernant ses champs de compétence. Elle peut aussi décider de se saisir d’un problème qu’elle juge important ou d’actualité, en produisant un rapport parfois suivi d’une proposition de loi. Jacques Legendre cite l’exemple de la dévolution par l’État de son patrimoine de monuments historiques.

Jacques Legendre

« Nous ne pouvons pas ignorer l’actualité mais nous ne voulons pas être prisonniers de l’actualité. Nous préférons traiter avec plus de recul des problèmes de fond ». Cette volonté d’anticipation est illustrée notamment par la proposition de loi sur le prix du livre numérique présentée en septembre 2010 par Catherine Dumas et Jacques Legendre.

La Commission peut aussi décider de créer des missions d’information ou des groupes de travail sur des problèmes spécifiques. Ainsi, un groupe de travail étudie actuellement la situation du spectacle vivant et un autre, les filières littéraires. Ce sujet tient à cœur à Jacques Legendre qui souligne que « par le passé les élites françaises étaient diversifiées » et avaient souvent une forte culture littéraire classique. Il souhaite sauvegarder une certaine diversité.

Prix du livre numérique : une nouvelle loi

De quoi s’agit-il ? Jacques Legendre rappelle que la loi Lang du 10 août 1981 sur le prix unique du livre (prix unique fixé par l’éditeur, obligation pour les distributeurs de vendre le livre à ce prix) a été positive. Elle a notamment permis de conserver en France un réseau de librairies qui participe à la vie culturelle de nos territoires et que d’autres pays nous envient.

Un livre sur un tablette numérique

Un nouveau livre apparaît aujourd’hui, le livre numérique. Son utilisation est encore limitée en France mais se développe rapidement. « Nous sommes en France à 1 % mais les Américains sont à 10 % », précise le sénateur. Il a constaté lors d’une récente mission de la Commission au Canada, après l’arrivée des tablettes numériques et de I’I-pad, que cette utilisation se généralisait.
« Cela va arriver très vite, il faut en tirer les conséquences ». Aussi la Commission a-t-elle décidé d’étendre le concept du prix unique du livre papier au livre numérique dit « homothétique » (c’est-à-dire identique à la version imprimée, sans ajouts multimédias) et a déposé une proposition de loi sur le prix du livre numérique.

« L’affaire paraissait simple au départ, mais c’était plus compliqué ». En effet, une partie des éditeurs se trouve en dehors du territoire national. Amazon et Google notamment pourraient, à partir d’un pays d’Europe, inonder le marché français sans être soumis aux mêmes obligations que les éditeurs et libraires français, ce qui serait un paradoxe, souligne Jacques Legendre.
Aussi, la Commission a-t-elle adopté un amendement de M. Jean-Pierre Leleux, introduisant des clauses d’extra-territorialité pour étendre les obligations à l’ensemble des acteurs concernés.

Le combat de la diversité culturelle

"Des craintes se sont alors exprimées sur un risque de refus de la Commission Européenne qui a émis des réserves", dit notre invité. Mais il observe que les réticences de la Commission Européenne, qui n’avait pas été consultée au moment du vote de la loi Lang, ne portent pas seulement sur les clauses d’extra-territorialité mais sur la notion même de prix unique du livre.

Il rappelle que la convention de l’UNESCO de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles a été adoptée par la Commission Européenne. « Elle doit en tirer les conséquences », souligne-t-il. « Nous pensons qu’il faut présenter ce problème au niveau européen. Le livre numérique est une forme d’expression culturelle ».

Le texte de loi adopté à l’unanimité en commission mixte paritaire a été voté par le Sénat et l’Assemblée nationale, à la fois par la majorité et l’opposition. « C’est un signal fort d’une volonté politique du Parlement et du gouvernement français. C’est une loi qui mérite qu’un combat soit livré et nous y sommes résolus », dit Jacques Legendre.

Cette loi du 26 mai 2011 a été qualifiée « d’avancée historique » par Frédéric Mitterrand, Ministre de la Culture et de la Communication dans son discours du 5 mai. « Nous sommes fiers d'y avoir contribué » .

La loi « Création et Internet »

À propos de cette loi du 12 juin 2009 à laquelle Canal Académie a consacré une émission, Jacques Legendre rappelle qu’elle avait un double objectif : protéger les créateurs contre le piratage et veiller à ce que l’offre culturelle légale soit abondante, abordable et disponible dans des délais raisonnables. Sur ce second plan des progrès restent à faire, estime le Sénateur, comme nous l'avons rappelé aux professionnels.

La mise en place de l’HADOPI était complexe mais elle joue un rôle dissuasif et pédagogique à l’égard de la grande majorité des internautes.

Le patrimoine monumental de l’Etat

Fin 2009, Jacques Legendre a souhaité qu’un groupe de travail analyse la question de la dévolution du patrimoine monumental de l’Etat et la mission du Centre des Monuments Nationaux (CMN). Cette question a fait l’objet d’un Rapport de Françoise Ferat, adopté par la Commission à l’unanimité.
Ces travaux ont porté sur les conditions de transfert des monuments historiques de l’Etat aux collectivités locales et parfois à des particuliers.

Une Commission, présidée par l’académicien René Rémond en 2003 (de l'Académie française), dont était membre Jacques Legendre, avait déjà travaillé sur ce sujet. Elle avait mis en avant la nécessité de la protection de certains monuments historiques qui font partie du patrimoine national.

La Commission de la culture a décidé de présenter une proposition de loi de Françoise Ferat et Jacques Legendre, en octobre 2010 afin d’évaluer les modalités de transfert et sauvegarder le patrimoine architectural national. Ce texte prévoit notamment la création d’un Haut conseil du patrimoine qui devrait être saisi préalablement à la cession d’un monument.

La Commission sur l’avenir de l’Hôtel de la Marine, présidée par Valery Giscard d’Estaing (ancien Président de la République, de l'Académie française) et dont est membre Jacques Legendre, lui paraît être une préfiguration de cette instance.

Voté par le Sénat, ce texte devrait être examiné prochainement par l’Assemblée nationale et voté en 2011, espère le Sénateur.

La Maison de l’Histoire de France

La Commission a confié à la Sénatrice Catherine Dumas le soin de produire un rapport d’information sur le projet de création de la Maison de l’Histoire de France, sujet de réflexion qui rentre dans ses compétences et qui a fait l’objet d’une polémique.
« Historien de métier », le sénateur rappelle que l’Histoire ne doit pas être faite par l’Etat ou le Parlement, mais par les historiens.
« Nous ne prônons pas l’apparition d’une histoire officielle ni celle d’un roman national véhiculé par l’école,dit Jacques Legendre. Mais il est important que les jeunes Français connaissent l’Histoire de leur pays, avec des approches diverses et une meilleure connaissance de la chronologie »._
En conclusion de cette émission, Jacques Legendre rappelle les principaux thèmes des travaux de la Commission en 2011 : le spectacle vivant, les filières littéraires, le livre numérique multimédia, la réforme des messageries de presse, la réforme de l’Agence France Presse (AFP) à propos de laquelle il vient de déposer une proposition de loi.

En savoir plus :

- Jacques Legendre
- Commission de la culture, de l’éducation et de la communication
- Retrouvez sur le site du Sénat les lois et rapports cités dans cette émission :
-* La maison de l'Histoire de France : Rendez-vous avec l'Histoire
-* La création de contenus culturels et Internet : quelles politiques nationales et européennes veut-on et peut-on conduire dans le domaine des contenus culturels en ligne ?
-* Quel avenir pour la filière du livre à l'heure du numérique ?
-* Avenir de l'Agence France-Presse
-* Au service d'une politique nationale du patrimoine : le rôle incontournable du Centre des monuments nationaux
-* Loi relative au prix du livre numérique
-* Proposition de loi relative au patrimoine monumental de l'État.

- Et écoutez sur Canal Académie :

-* Le rayonnement culturel international : une ambition pour la diplomatie française ;
-* « A quoi sert le baccalauréat ? » par Jacques Legendre
-* et Diffusion et protection de la création sur Internet par Michel Thiollière.

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