1942-1943 : Stalingrad, la bataille au bord du gouffre

Avec Jean Lopez

Depuis trente ans, sur le conflit germano-soviétique, Jean Lopez recense, traduit et compare l’essentiel des recherches menées aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Allemagne. De cet effort critique émerge une vision radicalement neuve de la bataille de Stalingrad qui s’est déroulée de septembre 1942 à février 1943.

Émission proposée par : Laëtitia de Witt
Référence : pag539
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Pour comprendre l’enjeu de la bataille, il faut savoir que la ville était alors un puissant centre industriel soviétique. Elle regroupait plusieurs usines d'armements, notamment des fabriques de chars. Au niveau de la population, elle comptait 600 000 habitants et s'étendait sur une soixantaine de kilomètres le long de la rive droite de la Volga. Elle était également un centre de communication important entre les réserves de pétrole du Caucase et le reste de l'Union soviétique. Mais cette ville était plus que ça : c'était la ville de Staline, le symbole de la puissance de l'Union soviétique. S'en emparer, c'était contrôler le verrou de la porte des champs pétrolifères caucasiens, c'était aussi porter un rude coup au moral de l'ennemi.
L'objectif d'Hitler était la prise de la ville pour assurer la progression de la Wehrmacht vers le Caucase.

Le début de l'offensive

Pour ralentir les Allemands, les Russes provoquèrent des incendies de forêts et détruisirent des barrages, appliquant la politique de la « terre brûlée ». Mais le 12 juillet, un groupe d'armées atteignit les abords de la ville. À partir du 13, une partie de la population fut évacuée et des groupes de partisans formés. Une quatrième ligne de défense fut construite le 15 juillet (la ville en comptait déjà trois) par plus de 180 000 civils. Le 17 juillet, les LVIIe et LVIIIe armées soviétiques furent attaquées par la VIe armée allemande de Paulus. Staline envoya des divisions vers Stalingrad commandées par deux de ses meilleurs généraux : Andrei Ieremenko et Alexandre Vassilievski. Le 23 juillet, les troupes allemandes reçurent l'ordre d'attaquer la ville elle-même. Un bombardement aérien allemand massif, le 23 août, causa une véritable tempête de feu, tuant des milliers de civils et transformant Stalingrad en un vaste paysage de gravats et de ruines en feu. En outre, les bombardements massifs de la Wehrmacht détruisirent les voies de chemin de fer qu'empruntaient les trains de ravitaillement. En août, la VIe armée allemande et la IVe armée blindée, dirigée par von Bock, lancèrent une offensive contre Stalingrad, alors défendue par le général Tchouïkov. Le 5 septembre, les divisions de Paulus entrèrent dans les faubourgs de la ville, c'est alors que s'engagèrent les premiers combats de rue de Stalingrad. Pour la première fois dans l’histoire militaire, le combat se mena en terrain urbain et en partie dans une zone industrielle. Un nouvel art de faire la guerre se mettait en place impliquant des affrontements d’une grande violence.

La progression allemande

Du 13 septembre au 18 novembre 1942, la VIe armée allemande, la VIIIe armée italienne du général Gariboldi et les IIIe et IVe armées roumaines des généraux Dumitrescu et Constantinescu attaquèrent la ville à maintes reprises. Le 21 septembre, 4 DI et 100 chars traversèrent la ville et atteignirent la Volga le 26. Le 28, de violents combats eurent lieu autour des usines Barricades et Octobre Rouge. Le 15 octobre, les Allemands prirent l'usine Barricade et une bande de 2,5 km sur la Volga. Le 11, ils prirent la partie sud de l'usine Octobre Rouge et une autre partie du fleuve. La LXIIe armée soviétique se retrouva alors coupée en trois morceaux, et les communications entre eux s'avérèrent très difficiles. À la mi-novembre, les premières glaces apparurent sur la Volga. À la fin du mois, la plus grande partie de la ville était aux mains des Allemands et les Russes se retrouvèrent coincés entre les canons allemands et les eaux glacées de la Volga. Malgré d'énormes pertes, les Russes réussirent à contenir les Allemands le temps que des renforts arrivent. À la mi-novembre toujours, les Allemands atteignirent le fleuve, c'est alors que les Russes mirent au point une contre-offensive.

La contre-attaque soviétique

Le 12 novembre, l’Armée rouge réussit à bloquer les ravitaillements de l’ennemi. Les 200 000 hommes de Paulus étaient maintenant coincés dans la ville sans possibilité de ravitaillement. Joukov organisa une contre-offensive en tenaille pour encercler les Allemands et, finalement, reprendre la ville. Cette opération fut baptisée "Uranus". Elle fut déclenchée le 19 novembre 1942. À Kremenskaïa (au nord-ouest de la ville), Rokossovski réussit à percer les lignes allemandes. Le lendemain, Ieremenko franchit la Volga à 10 km au sud de Stalingrad. La IIIe armée roumaine, la VIIIe armée italienne et la IIe armée hongroise furent anéanties par les troupes de Vatoutine à la hauteur de Serafimovitch. Les fronts soviétiques effectuèrent leur jonction à Kalatch le 23 novembre. Les Soviétiques encerclaient ainsi la VIe armée de Paulus et un corps d'armée de la IVe armée de Panzers, soit 22 divisions et 160 unités autonomes, pour un total de plus de 300 000 hommes.
À ce stade de la bataille, les Allemands avaient encore une échappatoire, mais lorsque le Reichsmarschall Göring annonça qu'il pouvait fournir 500 tonnes de vivres et de munitions par jour aux assiégés, Hitler ordonna à Paulus de tenir ses positions. Avec 57 000 hommes et 130 chars, Paulus savait bien que cela lui était impossible. Du 12 au 23 décembre, l'opération « Wintergewitter » (en allemand Orage d'hiver) fut lancée, celle-ci avait pour but de briser les lignes soviétiques au sud-ouest de la ville. Mais les Allemands furent arrêtés à 55 km de l'enclave. Du 24 au 30 décembre 1942 eut lieu l'opération russe « Petite Saturne » durant laquelle une contre-attaque eut lieu contre le groupe d'armées Hoth. Durant le mois de janvier, Stalingrad, mère de tous les enjeux, fut presque entièrement reprise par les Soviétiques.

La fin de la bataille

Le 8 janvier 1943, Paulus refusa un ultimatum qui offrait une capitulation honorable. Le 24 janvier, après de lourdes pertes, il changea d'état d'esprit et demanda à Hitler l'autorisation de capituler. Ce dernier la lui refusa. Le 25 janvier, les Allemands ne tenaient plus qu'une zone de 100 km carrés. Le 26, une attaque de Rokossovski coupa la VIe armée en deux. C'est alors que fut déclenchée l'opération « Cercle ». Le 27 janvier, les Soviétiques commencèrent à nettoyer les poches de résistances allemandes qui se trouvaient dans l'incapacité de résister à un assaut en règle. Le 31 janvier, le groupement sud capitula. Le 2 février, Paulus, qui avait été capturé le 31 janvier, se rendit au Haut Commandement soviétique et signa la capitulation de ses troupes. La bataille de Stalingrad venait de prendre fin.

Présentation de l'éditeur (Economica) :

Cet ouvrage couvre les opérations militaires menées en Russie du sud entre mai 1942 et mars 1943, dont la destruction de la 6e Armée à Stalingrad est le point d'orgue. Tous les éléments permettant de comprendre cet événement inouï sont analysés: les graves défaites soviétiques du printemps (Kharkov, Crimée), les tentatives d'intoxication des deux camps (dont la mystérieuse opération Kreml), les problèmes logistiques écrasants, l'échec pitoyable des T-34 dans la boucle du Don... Les raisons de la combativité des Soviétiques dans la ville en ruines font l'objet d'un examen systématique, loin des caricatures jusqu'ici proposées. L'effort d'adaptation des deux adversaires à la guerre urbaine - nouveauté radicale de l'histoire militaire - est décortiqué, de même que l'échec du pont aérien de la Luftwaffe.

Au passage, l'auteur fait tomber nombre de mythes et de légendes: non, Paulus n'avait aucune chance de réussir une percée; oui, Hitler a eu raison de lui refuser l'ordre de sortie; non, la bataille n'était pas perdue d'avance pour la Wehrmacht; oui, l'Union soviétique est bien dans la situation économique catastrophique qu'a prédite Hitler. Des aspects méconnus de la bataille sont également développés: la contre-offensive soviétique n'a pas 1 chance sur 100 de réussir au moment où elle est conçue; Eremenko a magnifiquement bloqué la tentative de dégagement de Manstein; le renseignement allemand a subi son pire échec de la guerre... à cause d'un fiasco tenu longtemps secret par les Soviets! Hitler a laissé filer une chance réelle de priver l'URSS de pétrole et Staline, par excès de nervosité, a manqué un "super Stalingrad", qui aurait raccourci la guerre de 18 mois. Trente-huit cartes permettent de suivre en détail l'ensemble des opérations et de regarder d'un œil neuf la plus célèbre bataille de la Seconde Guerre mondiale.

Biographie de l'auteur

Jean Lopez, ancien officier de la Marine marchande, aujourd'hui rédacteur en chef d'un magazine de vulgarisation scientifique, est spécialiste du conflit germano-soviétique.

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