Jean BERNARD

de l’Académie française, Membre de l'Académie des sciences

Très tôt attiré par la recherche, Jean Bernard réalise dès son internat des études sur la toxicité médullaire de divers agents. Après la guerre, qui le vit s’engager activement dans la Résistance, il sera l'un des tout premiers à promouvoir la recherche médicale française, hautement tributaire des difficultés économiques de cette époque. Ainsi naîtra la fameuse école hématologique de Jean Bernard, qui va s'entourer de chercheurs de grand talent, médecins ou fondamentalistes, et saura leur offrir les moyens de travail appropriés au sein de l’Institut qu’il a créé à l’hôpital Saint-Louis. Et c’est pour développer la part des crédits privés dans la recherche qu’il sera l’un des créateurs de la Fondation pour la Recherche médicale.
Grâce à la diversité de ses collaborateurs, il pourra inspirer et animer un grand nombre de travaux majeurs touchant plusieurs domaines de l’hématologie. Les leucémies aiguës, alors constamment mortelles, ont représenté l’un de ses principaux sujets d’étude. C’est d’abord l’étonnante rémission, temporaire mais encourageante, après exsanguino-transfusion. C’est surtout la mise au point progressive de combinaisons chimiothérapiques qui va, pas à pas, transformer le pronostic de cette redoutable maladie en permettant actuellement la guérison de près de 90% des leucémies aiguës lymphoblastiques, forme la plus commune. Autre hémopathie maligne, la maladie de Hodgkin verra son pronostic révolutionné par la modification des modalités de son traitement radiothérapique, les timides irradiations faisant place à des doses plus fortes de rayonnement. Le nom de Jean Bernard demeure aussi attaché à la découverte d’une maladie hémorragique congénitale, la dystrophie thrombocytaire hémorragipare, connue dans le monde entier comme "syndrome de Bernard-Soulier" et d’un grand intérêt pour la compréhension de la physiopathologie de l’hémostase. C’est avec Jacques Ruffié l’avènement d’une discipline originale, l’hématologie géographique, qui examine les caractéristiques de populations en tant que telles et les conditions de leur environnement ; elle est donc à la fois "ethnique et péristasique" ainsi que l’a écrit Jean Bernard. C’est également au sein de son Institut que Jean Dausset mènera les magnifiques travaux d’immunologie qui lui vaudront le prix Nobel.
Mais Jean Bernard n’était pas que ce grand hématologiste. Pédagogue prodigieusement doué, il enseignait avec une telle clarté que les étudiants n’auraient manqué ses cours à aucun prix. Auprès des malades, son enseignement clinique était accompagné d’une exceptionnelle humanité : par son écoute, par sa bienveillance, il savait mieux que tout autre rassurer et encourager ; il représentait ainsi un exemple inoubliable pour les jeunes médecins. Hanté par l’ignorance et servi par un style remarquablement concis, Jean Bernard s’était efforcé par ses ouvrages d’apporter au grand public des éclaircissements sur la pensée médicale, les progrès à attendre, les illusions à perdre. Enfin, l’expérience et la sagesse de Jean Bernard l’ont tout naturellement conduit à présider le premier Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé où il sut admirablement, par ses dons d’arbitre, concilier des points de vue initialement très divergents.
On ne saurait mieux définir l’œuvre de Jean Bernard qu’en rappelant l’épitaphe célèbre qu’il aimait citer : "toute la médecine est amour".

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