Un hommage à Jean Bernard de l’Académie française par la Fondation Recherche médicale

avec Ghislaine Alajouanine
Avec Ghislaine ALAJOUANINE
Correspondant

Ghislaine Alajouanine rappelle que Jean Bernard fut l’un des fondateurs de la Fondation Recherche médicale. Elle évoque ici l’homme, le chercheur, le médecin et l’écrivain.

La cérémonie a eu lieu lors de la remise des prix de la Fondation, au Sénat, le 26 avril 2006.

Jean Bernard

La Fondation pour la recherche médicale, présidée par Pierre Joly, président du conseil de surveillance, membre de l'Académie nationale de médecine, et Ghislaine Alajouanine (qui était, à l'époque de cet enregistrement, président du directoire), membre correspondant de l'Académie des sciences morales et politiques, rend hommage à son cofondateur.

Jean Bernard nous a quittés. Il aurait eu 99 ans le 26 mai prochain. Pendant près d'un siècle, ce savant, médecin, et résistant homme nous aura donc éclairés de son intelligence et de son humanisme exceptionnels. Avec lui, la Fondation pour la recherche médicale perd le dernier de ses fondateurs.

Sa discrétion ne doit pas nous tromper : le professeur Jean Bernard était l'une des grandes figures de notre pays. Élève brillant, il rêve de devenir écrivain ou médecin. Mais, redoutant d'être un écrivain moyen, il choisit la seconde option : « La médecine me parut allier l'humanisme et mon goût pour les sciences, » écrit-il dans son récit autobiographique, C'est de l'homme qu'il s'agit. En revanche, il ne cache pas que c'est le hasard qui l'oriente vers les maladies du sang. Nous sommes en 1929 et l'hématologie est, de son propre aveu, « une discipline ésotérique ». Il y consacrera pourtant sa vie de chercheur et de médecin pour contribuer à la compréhension et à la guérison des leucémies. Il a la volonté de porter secours à ceux qui souffrent.

Cet engagement total dépasse le domaine médical. Lorsque la guerre éclate, le jeune médecin est l'un des tout premiers à rejoindre la Résistance, en septembre 1940. En 1942, il dirige un réseau dans le Sud-est de la France. Bien qu'arrêté par les Allemands, il reprendra dès sa libération sa « double vie de médecin et de conspirateur ».

En 1946, il forme avec douze autres spécialistes des sciences médicales, le « Club des 13 », creuset de la nouvelle recherche médicale en France. Un an plus tard naît l'Association (devenue Fondation) pour la recherche médicale, « Il nous fallait beaucoup plus d'argent pour avancer », nous confiait récemment Jean Bernard.

Il accumule pendant quarante ans les titres et les honneurs sans jamais perdre de vue l'essentiel : l'être humain. Il est professeur de cancérologie, médecin chef de service à l'hôpital Saint-Louis, professeur de clinique des maladies du sang, directeur de l'Institut de recherche sur les leucémies. Il fait partie du Comité des douze sages qui conseille le général de Gaulle dans l'orientation de la recherche en France. Il est aussi le premier président du Comité consultatif national d'éthique.

Ami de Paul Valéry et de Jules Romains, Jean Bernard deviendra finalement l'écrivain qu'adolescent il n'avait pas osé être : il a signé près de trente-cinq ouvrages dont quelques-uns ont plus à voir avec la poésie, la fiction ou la réflexion philosophique qu'avec la médecine.
Entre 1972 et 1975, à « l'âge où l'on vous demande d'écrire des préfaces et où l'on vous laisse gagner au tennis contre des jeunes », ainsi qu'il le disait avec malice, il est tour à tour élu à l'Académie des Sciences, à l'Académie de médecine et à l'Académie française. Mais pour cet immortel, nul rêve d'immortalité : en sage et en scientifique, il considère en effet que la mort est indispensable au renouvellement de la vie, de la culture, de la société.

Pour Pierre Joly, un patron et un ami, Jean Bernard « a toujours soutenu l'action de la Fondation pour la recherche médicale à laquelle il est resté fidèle. «Le meilleur moyen que nous avons pour lui rendre hommage aujourd'hui, dit Pierre Joly, est de continuer à œuvrer avec la détermination qui était la sienne en faveur de cette cause qui est certainement une des plus belles : aider, pour la faire progresser, toute la recherche médicale.»

Pour en savoir plus :

- J. Bernard, C'est de l'homme qu'il s'agit, éd. Odile Jacob, Paris, 1988.

- J. Bernard, «Devoir de science et devoir d'humanité», edito de Recherche & Santé, juillet 2001.

- Site Internet de la Fondation de la recherche médicale :www.frm.org

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