4 mai 1808 : le guet-apens de Bayonne

Napoléon règle le sort de la couronne espagnole, avec Thierry Lentz
Avec Laëtitia de Witt
journaliste

Convoqués à Bayonne par l’empereur, les souverains espagnols pouvaient-ils vraiment espérer sauver leur couronne ? Thierry Lentz, directeur de la Fondation Napoléon, revient sur le jeu de dupe par lequel Napoléon déposséda les Bourbon d’Espagne de leur couronne.

Émission proposée par : Laëtitia de Witt
Référence : hist317
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Dès le mois de mars, l’empereur avait sondé son frère Louis, alors roi de Hollande, pour lui proposer la couronne d'Espagne. Celui-ci avait refusé de même que Jérôme, alors roi de Westphalie. Elle sera donc pour Joseph, le frère aîné, qui a suivi avec fidélité Napoléon depuis sa jeunesse. Mais pour qu'il devienne roi d'Espagne, encore faut-il que le trône soit vacant.

Le 18 mars 1808, la révolte d’Aranjuez fournit à Napoléon l’occasion d’intervenir dans les affaires intérieures espagnoles. Cette émeute provoque la chute du premier ministre Godoy puis l’abdication du roi Charles IV. En même temps, à la grande surprise de Napoléon, Ferdinand, le prince des Asturies, est acclamé par la population. Il tente même de former un gouvernement et attend d’être reconnu roi par Paris. Or, ce plan n’est pas celui prévu par Napoléon qui a d’autres projets pour le trône espagnol. C'est pour le libérer que Napoléon convoque à Bayonne, en avril 1808, la famille royale.

Ferdinand est le premier à venir au-devant de Napoléon dont il espère alors une reconnaissance. Manuel Godoy le rejoint quelques jours plus tard sous bonne escorte. Charles IV et sa femme arrivent à leur tour à Bayonne le 30 avril, espérant eux aussi de Napoléon un appui. Voilà ce que l’empereur écrit d’eux à Talleyrand lorsqu’il les rencontre : « Le roi d’Espagne est bon, droit, franc et n’imagine pas tout ce qui se passe autour de lui. […] Le prince des Asturies est très bête, très méchant, très ennemi de la France. « Elle a son cœur et son histoire sur sa physionomie ; c’est vous en dire assez. Cela passe tout ce qu’il est permis d’imaginer ». Isolés, loin des leurs, au milieu d'une multitude de soldats, les souverains espagnols n'ont guère les moyens de s'opposer aux volontés impériales. Charles IV accepte de renoncer à une couronne dont il s'est déjà défait et de partir en exil à Compiègne. Ferdinand VII hésite plus longtemps à abandonner un pouvoir dont il a si peu joui, mais y consent lui aussi et abandonne ses droits à la couronne d'Espagne. C’est un véritable guet-apens diplomatique. Dans ses mémoires le général Marbot n’hésite pas à parler de « la spoliation la plus inique dont l’histoire moderne fasse mention ». Ainsi, après Paris et Naples, la dynastie des Bourbon doit céder Madrid où un Bonaparte s'installe.

Le 6 juin 1808 en effet, Napoléon désigne officiellement Joseph comme roi d'Espagne au grand dam de Murat qui espérait ce trône et doit se contenter de Naples. Dans le même temps, il convoque à Bayonne une assemblée de notables espagnols désignés pour approuver une nouvelle constitution du royaume. Imposée par Napoléon, cette constitution introduit en Espagne les principes de 1789 ; elle supprime l'Inquisition et limite l'influence du catholicisme dans le pays. Muni de cette constitution et fort du soutien, au moins apparent, des notables réunis à Bayonne, Joseph peut aller prendre possession de son trône. Il sait alors que la tâche ne sera pas facile, car la résistance s'est organisée contre les Français. Pour arriver jusqu'à Madrid, il lui faut en effet la protection du corps d'armée du maréchal Bessières.

Bibliographie

- Jean-René Aymes, L’Espagne contre Napoléon. La guerre d’indépendance espagnole 1808-1814. Paris, Nouveau Monde éditions, Fondation Napoléon, 2003.
- François Malye, Napoléon et la folie espagnole. Paris, Tallandier, 2007.
- Thierry Lentz, Nouvelle histoire du IerEmpire, t.3 La France et l'Europe de Napoléon (1804-1814). Paris, Fayard, 2007.

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