20 avril 1808 : naissance d’un empereur

Le futur Napoléon III par Raphaël Lahlou
Avec Laëtitia de Witt
journaliste

Il y a tout juste deux cents ans naissait Charles Louis-Napoléon Bonaparte. Pour ses familiers, il sera Louis-Napoléon Bonaparte, avant de prendre, avec la couronne impériale, le nom de Napoléon III. Raphaël Lahlou, jeune historien primé par l’Académie en 2005 et auteur d’une biographie de Napoléon III, revient sur les circonstances de cette naissance.

Émission proposée par : Laëtitia de Witt
Référence : hist327
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_ Fils de Louis Bonaparte, frère de Napoléon Ier et roi de Hollande, et d'Hortense de Beauharnais, fille de Joséphine, Louis-Napoléon est le premier membre de la famille impériale à naître depuis la proclamation de l’Empire. La naissance répond alors à un cérémonial précis exigeant la présence de l’archichancelier, Cambacérès. Mais ni l’empereur, ni le père ne sont là. Napoléon est à Bayonne pour négocier le traité devant régler les affaires de la couronne d’Espagne et le roi Louis a rejoint sa nouvelle capitale d’Amsterdam. Restée à Paris, la reine Hortense, malgré sa grossesse avancée, décide d’accompagner son fils Napoléon-Louis, à une fête d’enfants donnée par Caroline Murat. Dans ses mémoires, elle dira que les exercices périlleux d’un danseur de corde l’impressionnèrent tant qu’elle dut rentrer chez elle précipitamment sous l’effet des contractions.
Quelques heures plus tard, en son hôtel de la rue Cerutti – aujourd’hui rue Laffitte - elle donnait naissance à son troisième fils. La venue au monde de ce nouveau-né est bien loin des préoccupations de l’empereur. Il faut attendre le mois de mai pour qu’il écrive à Hortense : « Je vous fais compliment de la naissance de votre fils. Je désire que ce prince s’appelle Charles-Napoléon ». Trois semaines plus tard, il ajoute un autre prénom à l’état-civil du petit prince, alors inscrit sous les noms de Charles Louis-Napoléon. Une fois les prénoms choisis, reste à baptiser l’enfant. Cette cérémonie nécessite la présence du souverain. Or, l’emploi du temps de l’empereur fait reporter le baptême jusqu’au 5 novembre 1810. Toujours est-il qu’au moment de la naissance, compte tenu de la faiblesse du nouveau-né, il avait été immédiatement ondoyé par le cardinal du Belloy.
En effet, né avant terme, le petit prince est si faible qu’on craint pour sa survie : « Dans la nuit du 20 au 21 avril 1808, écrit Hortense, je donnai jour à un fils […]. J’appris que le chirurgien avait dit dans le salon de service : « les reines ont le droit d’accoucher avant terme ; elles ne comptent pas comme les autres ». Mon fils était si faible que je pensai le perdre en naissant. Il fallut le baigner dans du vin, le mettre dans du coton pour le rappeler à la vie ». La constitution fragile de Napoléon III est-elle liée à cette naissance prématurée ? Rien n’est moins sur. Pourtant le fait que Louis-Napoléon soit prématuré est loin d’être anodin compte tenu des rumeurs qui accompagnèrent la troisième grossesse de la reine Hortense.

Une filiation incertaine ?
La conduite légère de la reine Hortense ajoutée à la mésentente du couple, qui vécut la plupart du temps séparé, a fait immédiatement courir le bruit de la bâtardise de Louis-Napoléon, thème qui sera souvent repris par les adversaires du Second Empire. Victor Hugo s’inscrit au premier rang de ceux-ci et voit en lui « l'enfant du hasard dont le nom est un vol et la naissance un faux» . Qu’en est-il ? Si un doute subsiste, la majorité des historiens qui se sont penchés sur cette question, dont Louis Girard, estiment que « l’hypothèse la moins improbable est encore celle de la paternité du roi Louis ». Une chose est sure, c’est que Louis-Napoléon, n’a lui-même jamais douté de sa filiation. Sa légitimité provient du seul fait d’être un Bonaparte et guidera sa destinée.

En savoir plus :
- Louis Girard, Napoléon III. Paris, Fayard, 1986.
- Eric Anceau, Napoléon III. Paris, Tallandier, 2008.
- Raphaël Lahlou, Napoléon III, l'obstination couronnée. Paris, Giovanangeli, 2008.

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