L’importance de l’eau dans le corps humain (2/2)

Avec Denis Le Bihan, membre de l’Académie des sciences et Mounir Tarek directeur de recherche au CNRS
Denis BIHAN
Avec Denis BIHAN
Membre de l'Académie des sciences

L’Académie des sciences a consacré une séance à l’eau dans les systèmes biologiques en mars 2009. Retransmission vous en est faite en deux parties sur Canal Académie. Dans cette seconde émission, les deux intervenants évoquent tout particulièrement l’eau dans les membranes cellulaires et dans le cerveau.

_ Au cours de cette séance de l’Académie des sciences sur L’importance de l’eau dans les systèmes biologiques qui avait lieu fin mars 2009, les experts de diverses disciplines -physique, chimie, biologie…- débattaient de la structure, de la dynamique et du rôle de l’eau dans les processus biologiques, depuis l’interaction moléculaire avec les protéines jusqu’au fonctionnement cérébral.
Ecoutez dans cette seconde partie les interventions de Denis Le Bihan de l’Académie des sciences et Mounir Tarek directeur de recherche au CNRS.

Accédez à la première partie avec Paul Caro et Bernard Cabane, correspondants de l'Académie des sciences et Gilles Boeuf, président du Muséum national d’Histoire naturelle

Membranes, eau et diffusion : potentiel pour la neuro-imagerie
Par Denis Le Bihan, NeuroSpin, CEA-Saclay, Human Brain Research Center, Graduate School of Medicine, Kyoto, Japon

Parmi les articles remarquables que publia Einstein en 1905; il s’en trouve un qui, contre toute attente, a donné lieu à une méthode très puissante d’exploration du cerveau. Le concept de diffusion moléculaire a été expliqué par Einstein sur la base du mouvement de translation aléatoire des molécules, lié à leur énergie thermique.

En 1985 il fut possible, pour la première fois, d’obtenir des images du coefficient de diffusion de l’eau dans le cerveau humain avec l’IRM. Durant leurs déplacements, les molécules d’eau sondent les tissus biologiques, interagissant avec les membranes cellulaires, les macromolécules, et nous donnent ainsi des informations uniques sur leur organisation spatiale microscopique, bien que la résolution des images IRM reste millimétrique. Une application médicale majeure de l’IRM de diffusion de l’eau est l’ischémie cérébrale à la phase aigüe : la diffusion de l’eau ralentit dans les régions non irriguées ce qui permet un diagnostic et un traitement dès les premières heures, avant que l’atteinte ne soit irréversible. Ce ralentissement de la diffusion est corrélé au gonflement cellulaire qui accompagne l’œdème cytotoxique, mais le mécanisme exact n’est pas encore complètement élucidé. D’autre part, il a été montré que la diffusion de l’eau dans le cerveau était anisotrope, en particulier dans la matière blanche, car les membranes axonales limitent le mouvement de diffusion dans une direction perpendiculaire aux fibres nerveuses.

Cette découverte est aujourd’hui exploitée pour produire des images spectaculaires de l’orientation des faisceaux de matière blanche et des connexions intracérébrales à partir de la mesure du tenseur de diffusion de l’eau. La dernière née des applications de l’IRM de diffusion de l’eau est celle de l’IRM fonctionnelle. En effet, il a été récemment découvert que le coefficient de diffusion de l’eau diminuait légèrement et transitoirement dans les régions cérébrales activées. Cet effet survient plusieurs secondes avant l’augmentation connue du débit sanguin qui est utilisé habituellement en neuro-imagerie fonctionnelle (TEP ou IRM)
pour obtenir des images de l’activation cérébrale lors de tâches sensorimotrices ou cognitives, et sa découverte représente une avancée majeure, offrant potentiellement une approche plus
directe et une meilleure résolution. Ce ralentissement diffusionnel de l’eau résulte d’un transfert d’eau vers un pool à diffusion très lente dans les cellules activées. Ce pool pourrait être constitué de couches de molécules d’eau électrostatiquement confinées par les membranes cellulaires, et son extension lors de l’activation traduirait une augmentation de la surface membranaire, en rapport avec le gonflement cellulaire qui a été observé sur des préparations neurophysiologiques. Les mouvements d’eau et les changements de leurs propriétés physiques, comme la diffusion, apparaissent donc au cœur même des processus d’activation neuronale.

Rôle et importance de l’eau dans les membranes cellulaires

Par Mounir Tarek, Équipe de dynamique des assemblages membranaires, CNRS UMR 7565, Université Henri Poincaré, Nancy

La cellule biologique est une unité structurale de tout être vivant. Il s’agit d’un compartiment limité par une membrane plasmique constituant la barrière naturelle séparant le cytoplasme du milieu extra-cellulaire. Cette dernière est formée principalement d’une bicouche lipidique dans laquelle les protéines membranaires sont libres de diffuser et d’accomplir une grande variété de fonctions cellulaires
fondamentales. Les membranes ne sont perméables, par diffusion simple, qu'aux petites molécules hydrophobes mais requièrent des protéines membranaires pour réguler les échanges transmembranaires d’ions (canaux ioniques), d’eau (aquaporines) ou encore de plus grosses molécules (transporteurs)...
Dans cet exposé Mounir Tarek attire notre attention sur le rôle fondamental que joue l’eau située au voisinage de la bicouche lipidique dans plusieurs de ces processus de transport. Il utilise pour cela des simulations de dynamique moléculaire qui permettent une caractérisation à l’échelle moléculaire des propriétés structurales et dynamiques des membranes.

Il démontre comment l’eau module ces propriétés et décrit à travers deux exemples concrets son implication dans le phénomène d’électroporation largement utilisé aujourd’hui en biotechnologie et dans le fonctionnement des canaux ioniques sensibles à la tension, composantes essentielles de l’excitabilité cellulaire.

En savoir plus :

Ecoutez la première partie de la séance avec Paul Caro, Bernard Cabane et Gilles Boeuf

- Denis Le Bihan, membre de l'Académie des sciences
- Site personnel de Denis le Bihan
- Mounir Tarek, directeur de recherche au CNRS

Résumés des interventions sur le site de l'Académie des sciences. Cette séance avait lieu le 31 mars 2009.

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