Le mois de... Simone Veil : "Shoah" 2/4

Avec Simone Veil, de l’Académie française
Simone VEIL
Avec Simone VEIL de l’Académie française,

Shoah, deuxième émission de la série « Le mois de...» consacrée à Simone Veil, de l’Académie française : « la Shoah ne se résume pas à Auschwitz : elle a couvert de sang tout le continent européen... elle inspire une réflexion inépuisable sur la conscience et la dignité des hommes...» a écrit Simone Veil dans son livre Une vie. Elle est ici l’invitée de Virginia Crespeau.

Simone Veil, Une vie © D.R

 

Canal Académies a le plaisir de vous inviter à suivre la 2ème émission de la série en 4 volets intitulée « Le mois de Simone Veil ».
Simone Veil qui occupe désormais parmi les Immortels, le 13ème fauteuil de l’Académie Française, fut Ministre de la Santé et de la Sécurité Sociale de 1974 à 79 et première femme Président du Parlement Européen élu au suffrage universel de 1979 à 1982. Nommée Ministre d’Etat, Ministre des Affaires sociales de la santé et de la Ville de 1993 à 95, elle fut Membre du Conseil Constitutionnel de 1998 à 2007.
Cette même année 2007, Simone Veil fit paraître aux Editions Stock un livre intitulé « Une Vie » (il vient d'être rediffusé dans une version format poche).
« Maupassant que j’aime » écrit-elle « ne m’en voudra pas d’avoir emprunté le titre d’un de ses plus jolis romans pour décrire un parcours qui ne doit rien à la fiction. »

En effet, dans son livre « Une vie », comme l’expliquent en 4ème de couverture les Editions Stock, « Simone Veil accepte de se raconter à la première personne. Personnage au destin exceptionnel, elle est la femme politique dont la légitimité est la moins contestée, en France et à l’étranger ; son autobiographie est attendue depuis longtemps. Elle s’y montre telle qu’elle est : libre, véhémente, sereine. »

Canal Académie la reçoit dans son studio ; entre l’académicienne et Virginia Crespeau s’établit un échange autour du livre de souvenirs « Une vie ».
Toutefois dans le souci de ne pas faire intervenir directement Madame Veil dans l’évocation des pages les plus douloureuses de ce livre et donc de sa vie, plusieurs lectures retraçant ces évènements vous seront proposées au cours de ce 2ème volet intitulé « SHOAH ».

Une famille heureuse et puis soudain...

C’est ainsi que nous apprenons « Les photos conservées de mon enfance le prouvent : nous formions une famille heureuse. Nous voici, les quatre frères et sœurs, serrés autour de Maman ; quelle tendresse entre nous. Sur d’autres photos, nous jouons sur le plage de Nice… On devine que les fées s’étaient penchées sur nos berceaux. Elles avaient nom harmonie et complicité. Nous avons donc reçu les meilleures armes pour affronter la vie…Plus tard, mais très vite, le destin s’est ingénié à brouiller des pistes qui semblaient si bien tracées, au point de ne rien laisser de cette joie de vivre. Chez nous comme dans tant de familles juives françaises, la mort a frappé tôt et fort… »

André Jacob, le père de Simone Veil, architecte de son métier, a été « durement secoué par quatre années de captivité (première guerre mondiale), peu de temps après son grand prix de Rome. »
D’Yvonne Steinmetz, la mère de Simone Veil « irradie une beauté rayonnante qui évoque pour beaucoup celle de la star de l’époque, Greta Garbo. »
Quatre enfants naîtront de cette union : Madeleine, surnommée Milou, puis Denise, ensuite Jean, et la jeune Simone en 1927.
Côté maternel et paternel : « Comme tous les membres de ces familles juives assimilées » confie Simone Veil, « celle de mon père était profondément patriote et laïque… Je dispose de moins de précisions sur les membres de ma famille maternelles… Tout ce petit monde était foncièrement républicain et laïque, du côté de ma mère, comme de celui de mon père. … Très simplement, nous étions juifs et laïques et n’en faisions pas mystère… J’ignorais tout de la religion. »
 

 

Milou, Simone, Jean et Denise en 1932, © D.R
Milou, Simone, Jean et Denise en 1932, © D.R

 

« Quelques mots encore de la laïcité. Elle était notre référence. Elle l’est demeurée. Ma mère, athée comme je le suis moi-même, continue d’incarner à mes yeux le paroxysme de la bonté. Pour autant, je ne méconnais pas l’aide que peuvent apporter les religions aux croyants et je conserve, avec admiration, le souvenir de ces jeunes Polonaises que la vie du camp avait déjà réduites à un état quasi squelettique et qui s’obstinaient pourtant à jeûner le jour de Kippour. A leurs yeux, le respect des rites avait plus d’importance que leur survie. J’en demeure impressionnée. »

… « Deux ans après leur mariage, en 1924, mes parents avaient quitté la capitale pour s’installer à Nice. » …
Début de l’année 1944 : « La Gestapo redoublait les contrôles et la traque. » La jeune Simone passe les épreuves du bac ; elle a 16 ans. Examens réussis, « j’avais rendez-vous avec des amies pour fêter la fin des examens. Je m’y rendais avec un camarade lorsque soudain, deux allemands en civil nous arrêtèrent pour contrôle d’identité »…
L’horreur commence, Simone, sa mère, sa sœur Milou et son frère Jean sont arrêtés ; son père le sera aussi quelques jours plus tard, sa sœur Denise qui avait rejoint la résistance sera arrêtée elle aussi et déportée à Ravensbrück.
Simone apprendra plus tard que son père et son frère ont été embarqués ensemble pour Kaunas, en Lituanie, nul ne sait le sort qui leur fut réservé, la famille Jacob est démantelée à jamais…
Pour Simone, sa mère et sa sœur Milou l’enfer prit les noms suivants : Hôtel Excelsior, Drancy, Auschwitz-Birkenau, Bobrek, Gleiwitz, Dora, Bergen-Belsen… La lutte pour la survie, un quotidien effroyable, tout ce qui ne peut pas se traduire en mots.
 

 

Simone et sa mère, à Nice © D.R
Simone et sa mère, à Nice © D.R

 

Rien ne s'efface...

Simone Veil nous rappelle que dans le livre « Histoire d’une vie », Aharon Appelfeld analyse la Shoah en expliquant que: « ceux qui en ont été les victimes ne s’en sortent jamais… Appelfeld énonce les raisons pour lesquelles on ne peut plus s’en détacher. Elles sont terribles, et marquent la différence de nature avec la situation des résistants. Eux sont dans la position des héros, leur combat les couvre d’une gloire qu’accroît encore l’emprisonnement dont ils l’ont payée ; ils avaient choisi leur destin. Mais nous, nous n’avions rien choisi. Nous n’étions que des victimes honteuses, des animaux tatoués. Il nous faut donc vivre avec ça, et que les autres acceptent. Tout ce qu’on peut dire, écrire, filmer sur l’Holocauste n’exorcise rien. La Shoah est omniprésente. Rien ne s’efface : les convois, le travail, l’enfermement, les baraques, la maladie, le froid, la faim, les humiliations, l’avilissement, les coups, les cris… non, rien ne peut ni ne doit être oublié… Deux mille cinq cents survivants sur soixante-dix-huit mille Juifs français déportés… C’est le poids effrayant du vide que l’oubli n’a pas le droit de combler, et que la mémoire des vivants habitera toujours.»

Extraits du livre « Une vie » de Simone Veil paru aux Editions Stock (avec nos remerciements pour l'autorisation de les lire et de les présenter ici).

En savoir plus :

Simone Veil : Conversation autour d’une vie "très diversifiée" 1/4

Extraits et photos du livre « Une vie » de Simone Veil paru aux Editions Stock (avec nos vifs remerciements pour l’autorisation de les lire et de les présenter ici).
 

 

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