Science Fiction par Michel Pébereau : Les Princes Marchands de Charles Stross

Réflexion sur l’économie de marché à trois époques clé de l’histoire...
Michel PÉBEREAU
Avec Michel PÉBEREAU
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Gérard Klein, qui a créé il y a plus de 40 ans et dirige toujours avec talent la collection « Ailleurs et Demain » chez Robert Laffont, l’annonce dans sa remarquable et savante préface : le cycle des « Princes Marchands » est une histoire de mondes parallèles.

Ces mondes, c’est Miriam Beckstein qui nous les fait découvrir. Miriam est une journaliste spécialisée en techno du New York d’aujourd’hui ; elle est licenciée à la suite d’un reportage dénonçant un trafic de blanchiment qui est malheureusement organisé par une filiale du groupe propriétaire de son journal. Un peu désœuvrée, elle découvre un pendentif dans un colis scellé qu’elle avait oublié, et que lui avait laissé sa mère biologique, disparue pendant son enfance. En contemplant le motif géométrique du bijou, elle est brutalement expédiée dans un cadre moyenâgeux. Elle finit par comprendre qu’il s’agit d’un monde parallèle, où sa mère appartenait à une famille régnant sur une société féodale. Son arrivée perturbe l’ordre des successions. La position de sa famille est la conséquence d’un secret qui lui appartient : la capacité de se déplacer vers notre propre univers. Grâce à ce secret, plusieurs de ses parents se livrent à un trafic lucratif de transport et de vente de drogue sur le territoire des États-Unis actuels. Entreprenante et volontaire, cette jeune Américaine se retrouve au centre d’intrigues et de complots, dans une société où l’assassinat est monnaie courante. Le hasard lui fait découvrir un deuxième monde parallèle, auquel a accédé une branche perdue de son Clan, et qui se trouve à un niveau de développement proche de celui de notre XIXème siècle, mais dans un cadre politique assez totalitaire. Totalement inconnue, elle s’y installe et y développe un commerce tout aussi lucratif que celui de la drogue, mais moins immoral : celui des inventions de son monde d’origine. Elle fait fortune en y introduisant le frein à disque. Mais, là aussi, sa situation devient assez rapidement délicate, cette fois parce qu’elle s’insurge contre la tyrannie et l’exploitation du travail par un système capitaliste caricatural. Ses problèmes se compliquent encore lorsque les services spéciaux américains de notre propre univers découvrent ses liens avec les trafiquants de drogue et apprennent que l’un de ceux-ci a caché une arme atomique pour faire chanter leur gouvernement.

Le cycle des « Princes Marchands » est une intéressante réflexion sur la société capitaliste et l’économie de marché, leur dynamique de développement, les problèmes sociaux qu’elles posent à trois stades de l’histoire : la société féodale où règnent les Princes Marchands, la période victorienne du décollage industriel, et le monde moderne. Les interactions entre ces trois mondes parallèles sont une source de rebondissements multiples et inattendus. Ce cycle est un extraordinaire roman d’aventures, riche de personnages forts. On se demande comment l’héroïne va réussir à maîtriser son destin, compte tenu du tissu complexe d’intérêts dans lesquelles elle est impliquée.
On avait découvert Charles Stross, cet Anglais qui vit en Écosse, avec Le Bureau des atrocités, où il avait créé un pittoresque agent du plus secret des services spéciaux britanniques, la Laverie. Son thème était déjà celui de l’existence d’un univers parallèle auquel les nazis auraient trouvé un moyen d’accès. On a ensuite retrouvé ce héros dans un roman, Jennifer Morgue, parodie de l’œuvre de Ian Fleming : il y est à la recherche d’une terrifiante arme secrète, d’origine soviétique, dont un milliardaire américain s’est emparé.

Et puis Charles Stross nous a entraînés, avec Crépuscule d’acier, à la fin de notre XXIème siècle : une intelligence artificielle est née ; elle a échappé à la maîtrise des hommes et a déporté 90 % de la population de la Terre sur des planètes lointaines ; puis elle a disparu. Et voilà qu’une civilisation extraterrestre débarque sur la planète Nouvelle République où règne un système politique très conservateur. C’est la guerre, une guerre de l’espace, où le voyage dans le temps est possible car le secret du dépassement de la vitesse de la lumière a été découvert.

Charles Stross a le talent d’imaginer des histoires vraiment extraordinaires sans jamais perdre son sens assez étonnant de l’humour. C’est un jeune écrivain. Chacune de ses œuvres interpelle.

On peut trouver ces différentes œuvres au "Livre de poche" et aussi aux Éditions Robert Laffont pour Le Bureau des atrocités, aux Éditions du Cherche midi pour Jennifer Morgue et aux Éditions Mnémos pour Crépuscule d’acier.

Charles STROSS – Les Princes Marchands :
- T1 Une affaire de famille
- T2 Un secret de famille
- T3 Famille et compagnie
Le livre de poche (environ 470 pages et 7,50 € chacun)
- T4 La guerre des familles - Traduction de Patrick Dusoulier (Ed Robert Laffont) (381 pages) (22 €)

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