Science Fiction par Michel Pébereau : Gonzo Lubitsch ou l’incroyable odyssée

Une touche d’humour anglais pour annoncer la fin de l’humanité !
Michel PÉBEREAU
Avec Michel PÉBEREAU
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

Découvrez grâce à Michel Pébereau, de l’Académie des sciences morales et politiques, un monde post-apocalyptique où l’arme nucléaire a été remplacée par la Bombe à Effacer. Une bien étrange odyssée qui commence... L’académicien féru de science-fiction, vous fait partager sa passion !

La catastrophe depuis si longtemps annoncée s’est produite. La vie sur notre planète est très menacée. Ce n’est pas l’arme nucléaire qui a frappé. C’est la Bombe à Effacer. Invention d’un savant de génie, elle transforme toute matière en « Substance » molle, inerte, dépourvue d’informations et d’énergie. Le pays qui pensait en avoir le secret a fini par l’utiliser pour régler un interminable conflit de pouvoir au Moyen-Orient. Hélas ! Les autres avaient la même arme : la riposte a été immédiate et générale. Or la Substance, une fois créée, a tendance à s’étaler. Il y a pire : en se nourrissant des dernières pensées des victimes, elle donne naissance à des êtres cauchemardesques qui s’attaquent aux survivants. Est-ce la fin de l’humanité ? Non, car la société multinationale Jorgmund réussit à fabriquer un produit qui neutralise la Substance. Elle le fait circuler dans une Canalisation, le long de laquelle s’installent les rescapés, comme leurs lointains ancêtres sur les rives des fleuves…

Tel est le cadre. L’histoire contée par le narrateur : sa vie, et celle de « Gonzo Lubitsch », présenté comme son ami d’enfance. Une jeunesse sans problème : famille aimante, éducation solide, de l’éthique et le sens des responsabilités. Un intérêt certes pour les arts martiaux, mais sous la direction d’un vieux maître chinois féru de Méditation. Le tournant de sa vie : compromis par un flirt avec une étudiante un peu subversive, il est forcé de s’engager dans un service secret. Il reçoit une dure formation de terrain, et est intégré dans la petite équipe qui fait exploser la Bombe. Dans une région dévastée, il participe à la lutte pour la survie, découvre les secrets de la Jorgmund, et s’attaque à son pouvoir.

Cette « incroyable odyssée » est originale ; mais moins que la façon dont elle est contée. Le narrateur est tout à la fois impliqué, et distancié. Il analyse ses aventures et ceux qu’elles lui font rencontrer avec précision, détachement, et humour. Tout est pour lui matière à commentaire, réflexion, digression. Scènes et portraits esquissés à grands traits se succèdent comme autant de tableaux animés. Peu à peu, le puzzle prend forme, les mystères de l’identité du narrateur et de son ennemi s’éclaircissent. L’auteur pose quelques questions dérangeantes sur la responsabilité : interférences d’étrangers dans des politiques locales, utilisation d’armes interdites, ou encore élimination d’un village d’humains mutants paisible pour accélérer le sauvetage des humains purs. Dans ce combat entre le bien et le mal, il n’est pas toujours facile de distinguer l’un de l’autre.

C’est le premier roman du britannique Nick Harkaway. Il a 38 ans et serait le fils de John Le Carré. Cela explique peut-être son intérêt pour les services secrets et sa pratique de l’humour anglais. Mais son œuvre, débordante d’imagination et de drôlerie, ne ressemble à aucune autre. «J’ai voulu, avec ce livre», dit-il, «vous dérober une journée de votre vie». Il y parvient ; et on ne le regrette pas.

Texte de Michel Pébereau.

Michel Pebereau tient régulièrement depuis 7 ans, une chronique sur l’actualité de la science-fiction dans le Journal du Dimanche qui a aimablement autorisé Canal Académie à la reprendre de manière sonore.

Nick Harkaway – Gonzo Lubitsch ou l’incroyable Odyssée – Ed. Robert Laffont (672 pages) 23 €

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