Opération Harmattan Sarkozy. Une chronique de François d’Orcival

De l’Académie des sciences morales et politiques
François d’ORCIVAL
Avec François d’ORCIVAL
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques

La France, avec l’aide des Anglais, est bien à l’origine de la chute de Kadhafi. L’opération appelée Harmattan aurait très bien pu s’appeler Sarkozy tant le président de la République a pu mettre d’action dans cette affaire. François d’Orcival revient dans sa chronique sur les conditions de préparation de cette opération délicate.

Nicolas Sarkozy n’avait qu’un objectif : la chute de Kadhafi. Mission accomplie. Victoire de l’endurance sur le scepticisme politique et l’impatience médiatique. Au début ce devait être si simple : on bombarde Kadhafi, son armée se débande, il abandonne. Puis c’était devenu quasiment impossible : on n’avait jamais vu un avion gagner une guerre, surtout civile, sans intervention au sol (interdite aux coalisés par la résolution de l’Onu) ; on allait manquer de munitions ; on serait à bout de souffle au départ du porte-avions Charles-de-Gaulle ; les insurgés, milices improvisées, ne tiendraient pas devant des unités régulières ; et le conseil national de transition (organe dirigeant de l’insurrection) allait se déchirer entre tribus, etc. Certes, il a fallu vingt-deux semaines pour aboutir – deux fois plus de temps que pour Milosevic en 1999, mais avec trois fois moins de moyens aériens (233 aéronefs en Libye contre 912 dans les Balkans), et cela s’est fait avec un soutien américain a minima.

C’était une opération Sarkozy – que les Français ont appelée Harmattan, un vent chaud soufflant du Sahara. Il la méditait depuis la mi-février avec le Britannique Cameron (motif : empêcher Kadhafi de faire un bain de sang, un « Srebrenica », à Benghazi et de provoquer un exode massif de réfugiés à travers la Méditerranée). Il a eu besoin d’un mois pour boucler son dispositif diplomatique (Alain Juppé), désarmer l’hostilité russe, chinoise, allemande, faire voter une résolution au conseil de sécurité, rallier trois pays arabes et une dizaine d’Européens avant de lancer ses avions (Gérard Longuet) le 19 mars pour arrêter Kadhafi et soutenir les insurgés. S’il n’avait pas réintégré le commandement de l’Otan, il n’aurait pas pu le faire.

Ensuite, il fallait soutenir l’organisation politique de l’insurrection, envoyer, avec les Anglais, de très discrets agents spéciaux pour entraîner les rebelles, leur parachuter des armes aux moments décisifs, tandis que les aviateurs testaient leurs avions et leurs munitions les plus évolués dans une logistique étendue à toute la Méditerranée occidentale. L’usure systématique de l’armature du régime libyen a conduit à son isolement physique, à la désertion progressive de ses chefs. Le soir du 20 août, Sarkozy savait qu’il « tenait » enfin Kadhafi. Les Français, les Britanniques l’avaient épuisé à travers la rébellion. Avec ou sans Obama. Avis aux émules du colonel libyen.

Le texte de cette chronique est paru dans Le Figaro Magazine du samedi 27 août 2011. Elle est reprise ici par son auteur, avec l’aimable autorisation de l’hebdomadaire. Les propos de François d’Orcival n’engagent que lui-même, et non pas l’académie à laquelle il appartient ni l’Institut de France.

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