
Steak frites, cassoulet, couscous royal : comment sont nés nos plats préférés ?
Derrière chaque ingrédient se dessine une géographie complexe, faite de routes commerciales, de transferts culturels et de patientes adaptations locales. Et pourtant, malgré cette longue histoire de circulations, la cuisine demeure l’un des espaces où se construisent avec le plus de force des récits d’enracinement et d’identités présentées comme immuables. C’est dans cette tension, entre le mouvement du monde et la solidité revendiquée des traditions, que s’élabore une large part de la manière de manger aujourd’hui. Pour en éclairer les strates et les contradictions, cet entretien donne la parole au géographe et gastronome Jean-Robert Pitte, Secrétaire perpétuel honoraire de l’Académie des sciences morales et politiques, auteur de À la table de l’Histoire et du monde.
Dans cet entretien, Jean-Robert Pitte montre en quoi l’alimentation constitue une porte d’entrée privilégiée pour penser la géographie et l’histoire culturelle. À partir d’exemples concrets comme le petit-déjeuner, le cassoulet ou les frites, il rappelle que la plupart des plats dits « traditionnels » sont le fruit de circulations anciennes, bien antérieures à la mondialisation contemporaine. Haricots, tomates, piments ou cacao racontent ainsi une histoire d’échanges, d’importations et d’appropriations successives.
Des produits venus d’ailleurs devenus identités locales
L’émission explore la manière dont ces aliments, parfois exotiques à l’origine, ont été progressivement intégrés aux territoires jusqu’à façonner des identités culinaires fortes. Jean-Robert Pitte revient sur la notion de terroir, sur le rôle des appellations d’origine protégée et sur la construction historique des cuisines régionales françaises. Loin d’être immuables, ces traditions se sont souvent stabilisées tardivement, notamment au XXᵉ siècle, sous l’effet du tourisme et du regard porté par les critiques et historiens de la gastronomie.
La gastronomie française
Enfin, l’entretien s’attarde sur la gastronomie française comme art de vivre et pratique sociale. Accords mets et vins, ordre des plats, repas de fête et arts de la table sont replacés dans une longue histoire culturelle, de la cour de Louis XIV à Brillat-Savarin. Jean-Robert Pitte rappelle que la gastronomie ne se résume ni au luxe ni à la haute cuisine, mais qu’elle repose avant tout sur la convivialité, le partage et la capacité à créer du lien.
Ouvrages associés
