Hergé, père de Tintin : l’histoire du dessinateur qui a changé la bande dessinée en 1929

Thierry GROENSTEEN
Avec Thierry GROENSTEEN
Correspondant

La bande dessinée ne date pas d’hier. Des récits en images circulaient dès le XIXᵉ siècle, avant que les États-Unis ne popularisent les comic strips. 1929 marque un tournant. Cette année-là, en Belgique, un jeune dessinateur du nom de Georges Remi, mieux connu sous le pseudonyme d’Hergé, invente un héros apparemment ordinaire : Tintin. Un reporter sans âge, au visage lisse, que rien ne semblait destiner à la gloire. Et pourtant… Tintin est devenu un phénomène mondial, traduit dans des dizaines de langues et vendu à des centaines de millions d’exemplaires. Quel est le secret de la réussite d'Hergé ?Pourquoi, près d’un siècle plus tard, Tintin et ses compagnons continuent-ils de parler à toutes les générations ? Thierry Groensteen, correspondant de l’Académie des beaux-arts, répond avec son regard d’historien de la bande dessinée.

Aux origines de la bande dessinée

Bien avant Tintin, la bande dessinée existait déjà. En 1827, le Genevois Rodolphe Töpffer esquisse le premier récit en images, ouvrant la voie à un art encore sans nom. Ses albums publiés dans les années 1830 et 1840 sont aujourd’hui considérés comme les véritables pionniers du genre.

La naissance de Tintin et l’émancipation d’Hergé

Inspiré par Zig et Puce et par son expérience du scoutisme, Georges Remi, alias Hergé, crée Tintin en 1929. Ses débuts maladroits dans Tintin au pays des Soviets laissent vite place à un apprentissage fulgurant : cinq ans plus tard, Le Lotus bleu s’impose comme son premier chef-d’œuvre. Cet album marque aussi une rupture, Hergé s’émancipant de l’influence idéologique de son mentor, l’abbé Wallez, pour développer une œuvre plus humaniste et documentée.

Un univers riche et complexe

Tintin, personnage lisse et sans traits marqués, sert de pivot à une galerie haute en couleur : les Dupondt, Tournesol, la Castafiore, et surtout le capitaine Haddock, figure tour à tour pathétique et héroïque. Derrière l’esthétique claire et lisible de son dessin, Hergé aborde des thèmes graves : l’alcoolisme, la folie, l’angoisse. Cette tension entre apparente simplicité et profondeur dramatique donne à son œuvre une résonance singulière.

Héritage et postérité

Après la guerre, Hergé traverse crises et remises en question, mais Tintin s’impose progressivement comme un classique mondial. Malgré l’émergence d’Astérix, l’œuvre d’Hergé continue d’être étudiée et célébrée : plusieurs millions d’albums se vendent encore chaque année, et plus de 700 ouvrages critiques lui sont consacrés. Tintin reste, près d’un siècle après sa création, une figure incontournable de la culture populaire.

Docteur en Lettre modernes, ancien directeur du musée de la Bande dessinée, Thierry Groensteen est l’auteur d’une trentaine de livres : deux romans, et principalement des essais sur la BD et sur l’art. Il s’intéresse au récit sous toutes ses formes.

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