Poussin, Chardin, Le Titien, Buffet : leurs œuvres ultimes avant la mort

Thème de la Journée du livre médical de l’Académie de médecine, 17 septembre 2010. Moments clés avec Jacques-Louis Binet
Avec Jacques-Louis Binet
Correspondant

L’œuvre ultime. La dernière peinture, la dernière pièce de théâtre ou encore la dernière composition musicale, il semble que chaque fois, la souffrance des artistes à l’aube de la mort transparaisse dans leurs créations. Jacques-Louis Binet nous présente la journée du livre médical 2010 consacrée à ce thème. Il évoque dans cette émission les souffrances de Poussin, Chardin, Matisse ou encore Bernard Buffet.

Le terme « œuvre ultime » nous vient de Gaétan Picon, qui lui-même partit d’un mot de Chateaubriand qualifiant les dernières œuvres de Nicolas Poussin d’« admirable tremblement du temps ».
Dans l’un de ses livres, le grand critique d’art Gaétan Picon démontre que le temps joue un grand rôle dans la peinture parce que le peintre même change. Il en est de même pour les écrivains, les musiciens…

Cette journée du livre médical de l’Académie de médecine fait intervenir de nombreux conférenciers autour de l’œuvre ultime et la médecine.

Parmi les conférences, celle consacrée aux derniers moments de Poussin est présentée par Jacques-Louis Binet.
C’est le tremblement qui transparaît dans les dernières œuvres de Poussin. « Il tremble depuis quatre ou cinq ans. Il masque son mal comme il peut. On le remarque dans les derniers tableaux, comme dans Les saisons et notamment L’hiver : on peut observer des hésitations notamment dans le traitement de la couleur, les traits ne sont plus droits, les têtes et les mains des personnages sont moins nets ».

L’Hiver, dit aussi Le Déluge, Nicolas Poussin
Entre 1660 et 1664, conservé au Musée du Louvre

Synonyme de l’œuvre ultime, « le chant du cygne » est l’expression utilisée par Philippe Beaussant de l’Académie française pour évoquer les dernières œuvres du Titien.
C’est l’académicien qui dépeindra au cours de cette journée La Pieta de Venise, dernière peinture de l'Italien.
« Le Titien, peintre de la sensualité, de la femme, des corps langoureux, représente dans La Pieta de Venise un paysage de pierre, des personnages effondrés, le Christ avec un visage de tristesse. En bas à gauche du tableau, on pourrait penser qu’il y a une tache. Mais ce n’est pas du tout le cas ! À la fin de sa vie, très malade, le Titien ne peignait plus avec ses pinceaux, mais avec ses mains ; une chose inimaginable à l’époque. Cette forme sur ce tableau, ce n’est autre que lui-même en prière » nous explique Jacques-Louis Binet.

Chardin fait aussi partie des peintres évoqués au cours de cette journée. « Lui aussi finit par ne plus pouvoir peindre, alors il remplace ses pinceaux par des pastels et finit par se représenter lui-même au cœur de la vieillesse » précise l’organisateur de cette journée. « C’est Proust qui décrit le mieux les pastels de Chardin : les lunettes, le visage et la peau qui changent d’aspect, le regard triste qui dans la dernière pastel fixe le crayon ».

Autoportrait aux bésicles, Jean Baptiste Siméon Chardin (1699-1779)
1775 ; Pastel, 46 x 38 cm. Paris, Musée du Louvr

Au programme de cette journée du livre, Pierre Schneider reviendra sur la maladie de Matisse qui le forcera à rester allongé ou assis pendant les treize dernières années de sa vie. Elle n’entachera pas sa créativité mais la colorera très certainement de sa souffrance.
Hans Hartung qui a perdu une jambe, expulse sa violence sur quelque 300 toiles, trouvant ici un exutoire contre la maladie.

Hans Hartung,
1945, huile sur bois, 100 x 100 cm, Antibes. Fondation Hans Hartung et Anna-Eva Bergman, © Adagp Paris 2008

Seront aussi évoqués au cours de cette journée les derniers instants de Gustave Moreau, la maladie du compositeur Bartók, la mort de Molière [].
Le célèbre peintre Yan Pei-Ming sera présent aussi pour parler de son œuvre exposée au Louvre en 2009, intitulée Les funérailles de la Joconde.

Les funérailles de Mona Lisa, Yan Pei-Ming
exposé au Louvre en 2009

Enfin cette journée se clôturera par l’évocation de la peinture de Bernard Buffet (1928-1999) de l’Académie des beaux-arts. « En plus de la maladie de Parkinson, Bernard Buffet se cassa le poignet. Il devenait de plus en plus difficile de peindre. Il s’était dit qu’il arrêterait de peindre, en 2000, parce qu’il n’aimait pas les zéros » raconte Jacques-Louis Binet. Après avoir finalisé ses 12 toiles sur le cérémonial de la mort, Bernard Buffet mit fin à ses jours en octobre 1999.

Jacques-Louis Binet est secrétaire perpétuel de l’Académie nationale de médecine, membre libre de l'Académie des beaux-arts. Il est l'organisateur de la journée du livre médical.

En savoir plus :

La Journée du livre médical 2010 a lieu le vendredi 17 septembre à l'Académie nationale de médecine à Paris (16 Rue Bonaparte). Conférences de 9h30 à 17h30. L'entrée est libre.
Plus de renseignements sur le site de l'Académie nationale de médecine

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