Le cadran solaire : mode d’emploi !

avec Jean-Claude Pecker, de l’Académie des sciences
Jean-Claude PECKER
Avec Jean-Claude PECKER
Membre de l'Académie des sciences

Le cadran solaire, ayant eu de beaux jours devant lui, s’est depuis fait engloutir par le règne des horloges à quartz... Il demeure pourtant l’un des premiers objets utilisés pour la mesure du temps, chez les Egyptiens. Aujourd’hui, de nombreux cadrans ornent encore les façades, sans que les passants sachent toujours en percer les secrets. A l’occasion de la remise en état des cadrans solaires de l’Institut, l’astronome Jean-Claude Pecker nous donne les clés pour décrypter leur fonctionnement.

_ Difficile de l'ignorer, pour lire l'heure sur un cadran solaire, il convient de regarder l'ombre portée par cette tige immobile, autrement dit le "style" - qu'on appelle aussi gnomon - sur la table du cadran, associé à un ensemble de graduations portées sur cette table.
En réalité, le déplacement de l'ombre au cours de la journée est lié au déplacement apparent du soleil dans le ciel, lequel reflète la rotation de la Terre.

Le cadran solaire situé dans la 2e cour de l’Institut de France

Techniquement, cela pourrait s'avérer d'une simplicité enfantine, s'il ne fallait pas, impérativement, ainsi que l'explique Jean-Claude Pecker, ajouter des correctifs essentiels:

- Dans un premier temps, "en raison de l'inclinaison de l'axe de rotation et de la variation de la vitesse de la Terre autour du Soleil, le temps solaire vrai indiqué par les cadrans solaires n'est pas uniforme", indique Denis Savoie, qui a dirigé les travaux de rénovation des cadrans de l'Institut. La position de la Terre par rapport au Soleil n'est pas exactement la même 24 heures après, il faut donc ajouter au temps solaire une première correction: l'équation du temps. Celle-ci s'organise en un calendrier perpétuel, car les chiffres correctifs sont les mêmes d'une année sur l'autre.
Impossible donc de lire l'heure exacte sans avoir ce tableau à proximité...

- Il faut également tenir compte de la longitude du lieu! Quant à celle-ci, les cadrans situés au coeur de l'Institut se voient donc retrancher du temps solaire la longitude du lieu par rapport au méridien de Greenwich, soit 9min et 21sec.

- Enfin, il faudra prendre en compte les heures d'hiver (UT+1) et d'été (UT+2).

Si, effectivement, le règne du cadran solaire s'est vu mangé par l'avènement des horloges à quartz et phénomènes modernes, les cadrans solaires, dont les premiers datent de l'Egypte antique (IIIème siècle avant J.C.), restent un objet d'ornement recherché.
Certains cadrans indiquent même les saisons, avec les arcs diurnes, les heures écoulées depuis le lever du soleil (heures babyloniques) ou celles restant à courir jusqu'au coucher (heures italiques)...

Les heures de la matinée...

Les cadrans solaires, sont également souvent ornés d'une devise, mais tel n'était pas le cas concernant les cadrans situés dans la deuxième cour de l'Institut de France. Lors de leur rénovation, l'académicien Emmanuel Poulle a ainsi proposé la devise suivante, incarnant à la perfection les valeurs portées par les Académiciens : Horas tuas quia breves immortalibus operibus vove, "Puisque ton temps est compté, consacre-le à des oeuvres immortelles".

Si la rénovation, physique, des cadrans solaires est aujourd'hui indispensable pour sauvegarder notre patrimoine, la connaissance de leur fonctionnement doit également être transmise aux plus jeunes générations comme un héritage nécessaire.

Astrophysicien, Jean-Claude Pecker a écrit de nombreux ouvrages d'astronomie. Il a dirigé l'Observatoire de Nice dans les années 60. Il a ensuite été directeur de recherche au CNRS, et également, pendant 25 ans, professeur au Collège de France, dont il est aujourd'hui titulaire honoraire de la chaire d'astrophysique.

- A propos de Jean-Claude Pecker.

Ecouter l'émission avec Emmanuel Poulle Les cadrans solaires de l’Institut de France

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