Alzheimer : La France et le Québec travailleront ensemble

avec Jean-Paul Tillement, de l’Académie nationale de médecine, organisateur d’une journée franco-québécoise autour de la maladie d’Alzheimer

Une convention franco-québécoise a été signée en faveur de la prise en charge de la maladie d’Alzheimer suite à l’initiative de l’Académie nationale de médecine. Jean-Paul Tillement, membre de cette Académie et organisateur d’une journée scientifique entre chercheurs et médecins français et québecois, précise les données de cette convention et les avancées concernant la maladie d’Alzheimer.

France-Québec : « partager nos talents »

La deuxième édition, consacrée à la maladie d'Alzheimer, des rencontres scientifiques et médicales France-Québec ( la première portait sur l'obésité) a eu lieu à l'Académie nationale de médecine, le 24 octobre 2011. Organisée avec la Délégation Générale du Québec à Paris, cette journée a permis à des médecins, des professeurs, des chercheurs français et québecois de faire le point sur les espoirs fondés sur de nouvelles applications thérapeutiques dans le cadre de la maladie d’Alzheimer.
A la suite de cette journée scientifique, Raymond Ardaillou, secrétaire perpétuelle de l’Académie nationale de médecine, a signé une convention de coopération avec des Universités québécoises ; l'Université de Montréal et l'Université Laval de Québec.

Ce projet de convention de coopération, entre l’Académie nationale de médecine et le Québec, est né d'une volonté commune des scientifiques québécois et français : travailler de concert sur l'amélioration de la prise en charge des malades et de leur entourage.

Jean- Paul Tillement, professeur émérite de pharmacologie à la faculté de médecine de Créteil (Paris XII) et membre de l’Académie de pharmacie et membre de l’Académie nationale de médecine, a voulu cette journée pour «mettre en commun des axes de recherches.» Et si les gouvernements français et québécois ont ce point commun d'avoir développé des plans Alzheimer, il apparaissait essentiel à l'Académie nationale de médecine de comparer les avancées faites dans chaque pays et surtout de s'appuyer sur des échanges pour « partager nos talents ». Ainsi, cette convention prévoit des échanges d'étudiants, de spécialistes et de praticiens hospitaliers dans chacun des pays.

Raymond Ardaillou, secrétaire perpétuel signant les accords de coopération du 24 octobre 2011
© Académie nationale de Médecine

Le diagnostic précoce : une priorité

«Pendant très longtemps le diagnostic certain de la maladie d’Alzheimer ne pouvait se faire que post-mortem », rappelle Jean-Paul Tillement, mais aujourd'hui, pratiquer un diagnostic du vivant du patient permet de faire avancer la recherche. Plus le diagnostic se fera tôt, plus il sera possible de freiner l'évolution de la maladie, car «quand les signes cliniques apparaissent, la maladie est déjà bien installée» souligne Jean-Paul Tillement, c'est pourquoi il est essentiel de consulter rapidement un médecin lorsque l'on pense avoir des symptômes de la maladie d'Alzheimer. Mais ces diagnostics peuvent aussi rassurer ceux qui n’ont que des pertes de mémoires minimes.

La première idée est de dire que le diagnostic est forcément clinique, c’est l’amnésie de type hippocampique, mais ce diagnostic doit être précisé par un critère biologique : il faut savoir que dans la maladie d’Alzheimer, il y a 2 protéines anormales, la protéine tau polyphosphorylée et la protéine peptide A beta, il faut donc rechercher ces deux protéines anormales dans le liquide céphalo- rachidien et dans le plasma, ce qui est plus facile aujourd'hui grâce aux prises de sang.

Ces diagnostics peuvent se faire sous différents formes, comme l'explique l'Académicien :

- Le diagnostic psychologique, qui s'appuie sur des exercices de mémoire, appelés Memento, qui permettent de tester sa mémoire. A ce sujet, les travaux de la québécoise Sylvie Belleville, directrice de la Recherche à l’Institut Universitaire de Gériatrie de Montréal, ont montré l'importance prédictive de ces tests qui peuvent déceler des symptômes de la maladie bien avant l'établissement d'un diagnostic.

- Le diagnostic d'imagerie médicale qui permet d'observer des altérations du volume et du métabolisme de l’hippocampe et du cortex pariétal. Pratiqué dans des centres hyper spécialisés, ce procédé permet de voir, grâce à des marqueurs radioactifs où se déposent les plaques amyloïdes, responsables de dysfonctionnement des neurones.

- Le diagnostic électro-encéphalographique qui permet, quant à lui, de mettre en avant le découplage entre deux types d'ondes encéphalographiques (Delta et gamma), il est donc possible d'observer si la maladie est bien présente, ce découplage étant un signe évocateur.

En ce qui concerne les traitements médicamenteux, Jean-Paul Tillement prévient qu'il faut encore être patient, car à l'heure actuelle il y a beaucoup d'hypothèses qui ne sont que des pistes de recherches intéressantes, comme par exemple, les pistes génétiques avec des études menées sur les gênes de susceptibilité de la maladie d’Alzheimer, dont la mutation permet à la maladie de s'installer.
Actuellement, des études internationales suivent des dizaines de milliers de patients afin de procéder à des études génomiques très poussées.«Ces gènes sont au nombre de 10 et aujourd'hui, avec ces gènes, on peut déjà rendre compte de 50% de la maladie. Le jour où on aura identifié tous les gènes, on va regarder à quoi ils servent et on va donc pouvoir émettre des hypothèses physiopathologiques. Se posera alors la question des cibles sur lesquelles elles interviennent. Une fois ces cibles isolées, on pourra mettre des médicaments dessus.»

Jean-Paul Tillement, de l’Académie nationale de médecine


«La France est en avance sur les pistes génétiques»

Dans cette émission, Jean-Paul Tillement confie que parmi les différentes pistes développées à l'heure actuelle, la piste génétique la plus intéressante est celle qui s'intéresse aux troubles de la mémoire. «On sait depuis longtemps qu’il y a une origine génétique des troubles de la mémoire. Tous ces troubles ne relèvent pas de la maladie d’Alzheimer, mais un certain nombre de travaux ont permis d’isoler 2 gènes qui sont traités de façon expérimentale par des chercheurs canadiens. Un des gènes s’appelle la transthyrétine (TTR), et permet d'expliquer un défaut dans la transmission des neurones, ce qui serait un facteur aggravant. Le deuxième gène, appelé la quinone réductase, lorsqu'il est en augmentation, induit des déficits cognitifs au fur et à mesure du vieillissement du patient.» Optimiste, Jean-Paul Tillement confie qu'«en matière de génétique, la France est en avance».

Il revient également sur la volonté pour l'Académie nationale de médecine, d'élaborer la meilleure prise en charge possible de ceux qui souffrent mais aussi «de tous ceux qui les aident et qui les aiment», d'où la mise en place, par exemple, des Maisons pour l’Autonomie et l’Intégration des malades Alzheimer (MAIA), des lieux d'échanges et de communications, prévue par le Plan Alzheimer français. «Ces maisons sont la suite logique des diagnostics plus précis et plus précoces».

La signature de cette convention franco-québécoise en faveur de la maladie d'Alzheimer et les espoirs de recherches qu'elle engendre, renforcent cette idée chère à Jean-Paul Tillement qu'«Alzheimer est un problème de santé publique majeur ». Environ 400 000 personnes en France seraient touchées par cette maladie en 2011.


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- Consultez la fiche de Jean-Paul Tillement sur le site de l'Académie nationale de médecine

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