Abus de jeux vidéos ? l’Académie de médecine se penche sur le risque d’addiction pour les enfants

avec Marie-Christine Mouren, correspondant de l’Académie nationale de médecine et Marie-France Le Heuzey, psychiatre pour enfants

Une étude Ipsos de 2008 montrait que 96 % des enfants de 6 à 17 ans jouent aux jeux vidéo. Un chiffre, qui en 2012, n’a pu qu’augmenter au vu de la popularisation des consoles de jeux et les améliorations de ces derniers. L’Académie nationale de médecine s’est penchée en séance sur le problème de l’abus de jeux vidéo. Si le terme d’ "addiction" n’a pas été retenu, celui de "pratiques excessives" a été préféré par l’Académie de médecine. En compagnie de deux médecins du service pédo-psychiatrique de l’hôpital Robert Debré, revenons sur ce loisir qui, s’il subit une réputation négative, peut aussi révéler plusieurs points positifs quand sa pratique est encadrée.

«La littérature nationale et internationale récente montre bien que les données ne sont pas assez fortes pour pouvoir parler d’addiction aux jeux vidéos» rappelle d'emblée Marie-Christine Mouren, correspondant de l’Académie nationale de médecine. Il n'en reste pas moins qu'il existe des usages problématiques des jeux vidéos par les enfants. Si ces pratiques excessives sont à dissocier de l'addiction, c'est aussi parce qu'il est très difficile de cerner le phénomène addictif. Il existe bien des questionnaires, majoritairement anglo-saxons ou asiatiques, mais une fois traduits en français, ils n'ont aucune valeur. Dans le domaine des instruments utilisés pour se rendre compte de l'état de dépendance d'un enfant aux jeux vidéos, il reste donc beaucoup de chemin à parcourir.

«Les parents sont des facteurs de protection»

Dans cette émission, deux spécialistes du comportement des enfants et des adolescents expliquent les rapports qu'entretiennent les enfants avec les jeux vidéos. Loin de jeter la pierre sur cette pratique qui peut être un loisir comme les autres, Marie-France Le Heuzey, témoigne : «Ce n'est pas parce qu'un enfant va jouer toute la nuit et qu'on va lui supprimer ses jeux, qu'il va ressentir un manque. Au contraire, il peut retrouver un comportement normal une fois recadré au niveau éducatif.» C'est donc sur ce point qu'il faut insister : le jeu vidéo comme tout autre pratique qui s'inscrit dans le cadre d'un loisir ne doit pas devenir chronophage et dérégler l'enfant dans ses repères de vie : repas, devoirs à la maison, sommeil... Comme le soulignent les deux expertes dans cet entretien, c'est tout d'abord le rôle des parents qu'il faut placer au nœud de cette problématique. «Les parents sont des évaluateurs et ils doivent limiter le nombre d’heures de jeu, les réduire progressivement si jamais il y a pratique excessive, mais attention à la frustration : il faut les réduire doucement.» prévient MC Mouren. Mais, dans une ère où la technologie est bien ancrée dans notre quotidien et où les écrans surabondent, difficile de réprimander un enfant qui passe trop de temps sur ses jeux vidéo si les parents, eux, passent beaucoup de temps sur leurs tablettes, téléphones intelligents, PC portables... Les parents doivent être présents dans le choix du jeu et prendre connaissance de la signalétique PEGI (étiquetage qui se trouve sur les boitiers des jeux vidéo et qui s'appuie sur un code de couleur pour déterminer l’âge minimum recommandé), s'informer sur les catégories de jeu et surtout proposer d'autres activités à leurs enfants...Ils doivent être des facteurs de protection face à une pratique excessive des jeux vidéo.

« Le jeu vidéo est avant tout un jeu ! »

Loin de vouloir diaboliser les jeux vidéo, nos invitées proposent d'expliquer aussi quels points positifs peuvent véhiculer ces jeux. Mme Le Heuzey revient à l'essentiel : «Les jeux vidéo restent d'abord un jeu ! Ils sont là pour distraire !» Ils peuvent aussi développer l'imagination de l'enfant, sa pugnacité. Certains jeux peuvent également flatter l'ego de l'enfant et cela peut lui faire regagner de la confiance en soi, surtout si ce dernier a de mauvais résultats scolaires et a l'étiquette d'un "nul".
MC Mouren nous informe que, selon certaines études, les jeux de tir subjectif ("First person shooter") peuvent développer les capacités d'attention au détail, de rapidité de prise de décisions de l'enfant (cf. les travaux de Daphné Bavelier, chercheuse à l'université de Rochester et de Genève).
Dans la multitude des catégories de jeux vidéo qui existent, il est bien sûr impossible de parler du jeu vidéo en général. Que ce soit les jeux d'arcades, de simulation, d'aventures ou bien des jeux massivement multi-joueurs (MMORPG), chacun propose différents niveaux de complexité, différents concepts face auxquels l'enfant ne réagira pas de la même façon : «Chaque type de jeu devrait être étudié. Or ces études manquent», regrette MF Le Heuzey.
Évoquant la palette des jeux vidéo qui s'offre aujourd'hui aux enfants, nos invitées nous éclairent sur ce loisir qui a pris de plus en plus de place dans le quotidien des enfants et adolescents d'aujourd'hui. Une émission, somme toute, que tous les parents doivent écouter !

Marei-France Le Heuzey, psychiatre pour enfants et adolescents  et Marie-Christine Mouren, correspondant de l’Académie nationale de Médecine
© Clement Moutiez

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