La recherche sur le cerveau : une priorité pour les décennies à venir

Par André Nieoullon, Bernard Laurent, Olivier Lyon-Caen et Etienne Hirsch

On estime que 15 millions de Français sont actuellement touchés par une pathologie du cerveau : douleur, problèmes de mémoire, maladies neurodégénératives ou psychiatriques... Autant de domaines de recherche pour lesquels il reste beaucoup à faire. Les professionnels de santé prônent une recherche accrue dans ce domaine, incluant une restructuration et de meilleures passerelles entre les chercheurs et les cliniciens d’une part, le public et le privé d’autre part. Canal Académie retransmet une partie du colloque Priorité cerveau qui dresse cet état des lieux et émet 10 propositions pour dynamiser la recherche.

_ La France est au premier rang européen de la recherche sur le cerveau. Mais pour combien de temps encore ? Les rouages de la grande machine de la recherche semblent peu à peu se rouiller. Elle a besoin d'innover et doit pour cela se donner les besoins financiers et humains.
Bien que le plan Alzheimer soit utile, il ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt : « Les pathologies du cerveau, ce sont les troubles du mouvement, du comportement, du sommeil, les douleurs, les pathologies cérébrosvasculaires, les cancers des systèmes nerveux ou encore les pathologies psychiatriques » précise André Nieoullon. On estime par exemple qu'un Européen sur quatre aura à faire un trouble psychiatrique, alors même que la recherche en psychiatrie ne représente actuellement sur 2% des fonds alloués à la recherche.

« Le cœur du progrès, c'est la compréhension des mécanismes » insiste André Nieoullon, « et la démarche de notre recherche en France doit se baser pour cela sur la pluridisciplinarité, des interactions plus fortes entre les chercheurs et les cliniciens, des connexions entre le public et le privé ».

Les quatre axes de la recherche consiste à :
- réussir à réparer le cerveau
- agir sur les symptômes des maladies
- agir sur l'évolution des maladies neurodégénératives
- se rapprocher de la base de la conscience

On estime que 15 millions de Français sont actuellement touchés par une pathologie du cerveau.

Étudier le cerveau explique Bernard Laurent, « c'est l'étudier du point de vue anatomique, neurophysiologique, à l'échelle de la biologie cellulaire. Mais il faut aussi développer nos recherches dans le domaine de l'imagerie cérébrale, des nanotechnologies, de l'imagerie cellulaire et in vivo ». Pas de mystère, une partie du nerf de la guerre reste les finances.

Au cours de leurs interventions, André Nieoullon et Bernard Laurent nous donnent des exemples d'interactions importantes entre la recherche en laboratoire et les médecins sur la maladie de Parkinson, le syndrome Gilles de la Tourette et la maladie d'Alzheimer ; des échanges et des avancées qui peuvent encore être développés si les 10 priorités émises par les professionnels de santé sont entendues par les pouvoirs publics.

C'est ainsi que le professeur Olivier Lyon-Caen et Etienne Hirsch égrènent leurs recommandations pour une recherche efficace et structurée dans les décennies à venir :

- Renforcer la recherche fondamentale sur la connaissance du développement, du vieillissement et de la physiologie du cerveau.
- Renforcer le caractère pluridisciplinaire de la recherche en neurosciences en promouvant notamment les interfaces avec la chimie, les nanotechnologies, les mathématiques, et les sciences humaines et sociales tout en assurant un encadrement éthique.
- Créer des centres de recherche translationnelle entre la recherche fondamentale, la neurologie et la psychiatrie.
- Renforcer la recherche en psychiatrie en favorisant la création de nouvelles équipes.
- Créer des centres de gestion, de stockage et d’analyse des données cliniques, d’imagerie et biologiques pour les maladies neurologiques et psychiatriques.
- Renforcer les moyens en personnel de soutien à la recherche clinique et de laboratoire (infirmières de recherche, ARC, gestionnaires de plates-formes, techniciens et ingénieurs de plates-formes).
- Créer des postes mixtes hôpital-recherche comme il existe des postes hospitalo-universitaires.
- Promouvoir les interactions entre recherche académique et recherche finalisée, en particulier par une meilleure articulation avec la recherche pharmaceutique et les entreprises de biotechnologies.
- Accroître l’organisation institutionnelle des interactions de la communauté des chercheurs avec celle du monde associatif, représentant des patients et de leurs familles.
- Exiger une ligne de financement propre pour la recherche sur le cerveau qui pourrait émaner d’une fondation dédiée.

Olivier Lyon-Caen et Etienne Hirsch (de gauche à droite)
© Marc Chapelat


Écoutez au cours de cette retransmission les interventions de MM. André Nieoullon, Bernard Laurent, Olivier Lyon-Caen et Etienne Hirsch.

André Nieoullon, président de la Société des Neurosciences.
© Marc Chapelat

André Nieoullon est professeur de neurosciences et travaille à l’Institut de biologie du développement e Marseille-Luminy, UMR CNRS-Université de la méditerranée 6216. Il s'intéresse à la physiopathologie de la maladie de Parkinson. André Nieoullon est président de la Société des Neurosciences.

Bernard Laurent, président de la Société Française de Neurologie.
© Marc Chapelat

Bernard Laurent est professeur de neurologie PUPH à l'Unité Iserm 879 ; service de neurologie Hôpital-Nord-Saint-Etienne. Son travail porte que la l'imagerie cérébrale de la douleur. Bernard Laurent est président de la Société Française de Neurologie.

Olivier Lyon-Caen est professeur à l'université Pierre et Marie Curie, coordinateur du pôle des Maladies du système nerveux et responsable du département de neurologie au Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière. Il est particulièrement impliqué dans les maladies de la myéline (sclérose en plaques), les maladies métaboliques et la neuro-immunologie. Olivier Lyon-Caen est président honoraire de la Société Française de Neurologie et membre fondateur de l'Institut du cerveau et de la moelle épinière.

Etienne Hirsch est directeur de recherche au CNRS, codirecteur du Centre de recherche de l'Institut du cerveau et de la moelle épinière. Il a dirigé pendant 8 ans le laboratoire thérapeutique expérimentale de neurodégénérescence (Inserm-UPMC). Etienne Hirsch est président honoraire de la Société des Neurosciences.

Canal Académie retransmet une partie du colloque Priorité cerveau qui s'est déroulé le 16 septembre 2010 au Collège de France, colloque organisé par :
- la Société des Neurosciences
- la Société Française de Neurologie
- la Fédération pour la Recherche sur le Cerveau

En savoir plus :

- Le site : www.priorite-cerveau.com
- Le livre : Sous la direction d'Olivier Lyon-Caen et Etienne Hirsch, Priorité cerveau, des découvertes aux traitements, édition Odile Jacob, septembre 2010

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