La planète Mars va bientôt livrer ses secrets...

Avec les astrophysiciens Jean-Pierre Bibring et Jean-Loup Puget, académicien des sciences.
Jean-Loup PUGET
Avec Jean-Loup PUGET
Membre de l'Académie des sciences

Mars a connu par le passé des conditions assez proches de celles régnant sur Terre, d’où l’idée de l’existence de Martiens par les auteurs de science-fiction ! Depuis une dizaine d’années, astronomes et exobiologistes tentent de chercher des traces de vie. Et le robot Curiosity lancé le 25 novembre 2011, à la recherche notamment d’organismes fossiles, devrait enfin pourvoir répondre à cette question. Le rover, livrera également des informations sur le climat et la géologie pour servir une éventuelle arrivée de l’homme sur la planète rouge. Détails en compagnie des deux astrophysiciens Jean-Pierre Bibring et l’académicien des sciences Jean-Loup Puget.

Mars Science Laboratory est une mission de la Nasa dont le lancement aura lieu le 25 novembre 2011 et dont l’arrivée du rover [] Curiosity sur le sol martien est prévue pour août 2012.
Les relevés à venir de Curiostiy sur la planète rouge seront cruciaux pour la recherche spatiale. Curiosity a en effet pour mission de :
- déterminer si la vie a pu exister sur Mars
- caractériser le climat de la planète
- préciser sa géologie
- préparer l’exploration humaine de Mars à plus long terme

On constate que les missions scientifiques à destination de Mars se sont accrues depuis plusieurs années. En plus de la mission américaine MSL[], la mission russe lancée le 8 novembre 2011 portera sur Phobos, un des satellites naturels de Mars. Les Chinois eux aussi travaillent à une mission d’exploration martienne, intitulée Yinghuo 1, mais peu d’informations circulent à ce sujet. Et puis Aurora, programme européen de l’ESA à destination de la planète rouge, est prévu pour sa part en 2016.
L"intensification des missions à destination de Mars n'est pas le fruit du hasard nous explique l’astrophysicien Jean-Pierre Bibring : « Mars et la Terre ont des positions favorables pour lancer des engins environ tous les deux ans. Cela fait environ 10 ans que tous ces créneaux sont utilisés pour observer Mars parce que nous sommes aujourd’hui quasiment convaincus que, dans sa prime jeunesse, cette planète a hébergé des conditions favorables à la vie. On pense qu’il y a eu de l’eau liquide pérenne à la surface, pendant une longue période. On se dit que de la même manière que pour la Terre, il y aurait pu avoir un passage de l’organique au vivant ».

La possibilité de la vie sur Mars nous passionne tous. Et au centre de cet enjeu se trouve la place de l’eau sous forme liquide. Aujourd’hui, Mars, qui ne possède quasiment plus d’atmosphère, ne contient plus d’eau sous cet état. Les exobiologistes chercheraient donc des traces de vie fossiles. « Et ce serait une découverte fondamentale si l’on trouvait des traces de vie ayant évolué à partir de l’eau, du carbone et du phosphore » précise Jean-Pierre Bibring.

Mars science Laboratory n’avance pas en terrain inconnu. Les missions précédentes comme Mars express (mission européenne) ont déterminé quels étaient les endroits propices à des fouilles géologiques.
Pour cette mission, c’est le cratère Gale qui a été sélectionné et non pas les chenaux qui font penser à des lits de rivières asséchés.
Contrairement aux apparences nous dit Jean-Pierre Bibring, « ces chenaux ne sont pas le plus important. Ils nous indiquent que l’eau a coulé, mais cela ne veut pas forcement dire que ces rivières ont alimenté des océans pérennes.
Ce qu’on a montré récemment, c’est qu’il existait des minéraux hydratés, attestant la présence d’eau pérenne alors que les chenaux eux, ne l’attestaient pas »
.
Car pour fabriquer un minéral hydraté comme les argiles, il faut que les roches restent immergées dans l’eau pendant longtemps.

Le robot Curiosity sillonnera la terre martienne à la recherche de traces de vies fossiles. Vue d’artiste
© NASA\/JPL-Caltech

Marcherons-nous un jour sur Mars ?

Autre objectif de la mission MSL : préparer l’exploration humaine de la planète rouge. « Cela n’est pas une évidence à court terme, indique l'Académicien Jean-Loup Puget, pour des questions de difficultés techniques et financières. Rien que l’aller-retour prendrait deux ans. Or nous n’avons jamais envoyé d’hommes pendant une aussi longue période dans l’espace. Pendant les 15, 20 ans à venir, on s’orientera surtout vers les sondes automatiques ». Pour Jean-Pierre Bibring, « il ne faut pas penser que les missions automatiques sont précurseurs de l’homme sur Mars. Les robots font très bien leur travail. En revanche, si à la suite des missions Curiosity et Aurora, on trouve que la vie se développe dans le sous-sol martien, cela pourrait justifier une mission embarquée. Mais on en est très loin… »

Curiosity : un laboratoire embarqué

En attendant le premier pas de l’homme sur Mars, revenons à Curiosity qui devrait commencer ses recherches sur la planète rouge en août 2012. Véritable laboratoire embarqué, il comprendra pas moins de 10 instruments scientifiques dont des caméras, une station météorologique, un appareil pour mesurer les radiations, un détecteur d’eau en sous-sol et deux ordinateurs « radiodurcis » pour résister aux rayons cosmiques.
Ces appareils de mesure sont le fruit d’une coopération européenne où les compétences des scientifiques européens sont reconnues pour l’ instrumentation embarquée. « Par exemple, les spectromètres à infrarouges de Rosetta ont été conçus par l’Institut d’astrophysique spatial où travail mon collègue Jean-Pierre Bibring» souligne Jean-Loup Puget.
Curiosity est prévu pour fonctionner pendant deux ans et pourra sillonner le cratère martien sur plusieurs dizaines de kilomètres. L’engin se déplacera à l’aide d’une pile au plutonium.
Et pour que l’engin puisse atterrir en douceur, il est prévu un système complexe de parachute, de rétrofusée et d’air bag. « Comme Mars a très peu d’atmosphère, il faut tout faire pour ralentir l’atterrissage ».

Pour un attérissage en douceur de Curiosity, un triple système de parachute, de rétro fusé et d’air bag est prévu.
© NASA\/JPL-Caltech

Au vue des retombées scientifiques à venir, autant dire que les premiers résultats de Curiosity seront attendus avec impatience par l'ensemble de la communauté scientifique.

- Jean-Pierre Bibring est Professeur à l’Université Paris-Sud, Institut d’astrophysique spatiale. Il a notamment travaillé sur les missions Venus Express, Rosetta et Mars Express de l’ESA, agence spatiale européenne.

- Jean-Loup Puget est astrophysicien, directeur de recherche au CNRS, ancien directeur de l’Institut d’astrophysique spatiale d’Orsay et membre de l’Académie des sciences.

En savoir plus :

Vidéo :

- http://www.dailymotion.com/video/xkbne7_la-mission-mars-science-laboratory-curiosity_tech>

Références biographiques :

- Ecoutez l'ensemble de nos émissions avec Jean-Loup Puget sur Canal Académie
- Jean-Loup Puget, membre de l'Académie des sciences

Présentation des travaux de l'équipe de Jean-Pierre Bibring à l'Institut d'astrophysique spatiale.

A lire :

Jean-Pierre Bibring, Mars, planète bleue, éditions Odile Jacob

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