Hydrogène : une révolution énergétique à l’horizon 2030

avec Marc Fontecave membre de l’Académie des sciences et Vincent Artero, lauréat du prix Mergier-Bourdeix de l’Académie des sciences
Marc FONTECAVE
Avec Marc FONTECAVE
Membre de l'Académie des sciences

Un double problème persiste dans le domaine de l’énergie : remplacer les énergies fossiles par des ressources renouvelables ; et puis le grand problème du stockage de l’énergie, que l’on rencontre depuis toujours. Il semble qu’une solution s’esquisse de plus en plus sérieusement : l’exploitation de l’hydrogène. Des avancées technologiques sont encore nécessaires avant que l’on puisse utiliser de manière industrielle ce gaz. Explications en compagnie de Marc Fontecave, membre de l’Académie des sciences et son collaborateur au CEA Vincent Artéro.

L’hydrogène n’est pas une énergie en tant que telle mais un vecteur d’énergie. Quelle différence ? Elle est énorme ! Car voilà enfin un moyen de stocker l’énergie électrique provenant par exemple de panneaux solaires. Cette énergie serait condensée dans des réservoirs d’eau (l’eau H2O contenant une quantité infinie d’hydrogène H2). Voilà donc un procédé qui serait propre, infini et résoudrait par la même occasion le problème de l’intermittence dans les énergies vertes.
Mais… pour produire beaucoup d’hydrogène rapidement à partir d’une électrolyse et d’une pile à combustible, il est nécessaire d’utiliser des matériaux onéreux tels que l’or ou le platine. Ces matériaux rendent l’exploitation de l’hydrogène impossible à l’échelle industrielle à ce jour.
C’est pourquoi des équipes de chercheurs un peu partout dans le monde observent depuis une dizaine d’années avec beaucoup d’attention ce qui se passe dans la nature pour pouvoir s’en inspirer et trouver des catalyseurs remplaçant les métaux précieux. Et les exemples ne manquent pas !

Hélico bacter pilori qui est la cause de nombreux ulcères par exemple tire son énergie à partir de l’hydrogène situé dans notre intestin ! Et ces organismes vivant à proximité des fumeurs noirs, ces grandes cheminées que l’on trouve dans le plancher océanique très profond se nourrissent de l’hydrogène. En observant ces mécanismes de vie, les chercheurs se bio-inspirent de la nature ! Parmi eux, deux Français : Marc Fontecave de l’Académie des sciences et Vincent Artero du CEA qui travaillent ensemble au laboratoire de chimie et biologie des métaux à l’université Joseph Fourier de Grenoble, unité mixte de recherche.
L’idée d’exploiter l’hydrogène comme carburant n’est pas nouvelle. « Déjà Jules Verne écrivait qu’il serait un vecteur d’énergie permettant aux sociétés futures de fonctionner » rappelle Vincent Artero.
Et l’hydrogène est produit à des fins industrielles avec des hydrocarbures « un des éléments qu’il faut changer rapidement » confie Marc Fontecave.

Produire et stocker de l’énergie à partir de l’hydrogène

Dans le processus sur lequel Marc Fontecave et Vincent Artera travaillent, l’hydrogène est produit avec de l’eau à partir d’une électrolyse []. A partir des électrodes on produit de l’hydrogène d’un côté et de l’oxygène de l’autre. Cette énergie électrique initiale viendrait de panneaux photovoltaïques.

Ainsi, « l’énergie solaire transformée en électricité par le biais de panneaux solaires est transformée en hydrogène sous forme d’un carburant ; de l’hydrogène stocké dans le dispositif d’électrolyse pour être enfin exploité dans une pile à combustible et être reconverti en électricité » explique Vincent Artero. Le problème de l’intermittence des énergies vertes est donc en parti résolu.
« Il faut bien voir l’hydrogène comme une forme de stockage de l’énergie » résume Marc Fontecave.

Reste désormais à remplacer les métaux précieux par des métaux plus abondants pour une viabilité économique de la pile à combustible : « Les débuts de nos recherches datent de 2002. Nous avons débuté par l’observation de certains micro-organismes capables de réaliser la même réaction que celles qui ont lieu dans les piles à combustibles, sans utiliser de métaux précieux. Ils utilisent notamment du nickel et du fer ». Il faut trouver la réaction qui va permettre de produire en abondance de l’hydrogène à partir de ses métaux plus courants. « Pour vous donner une idée, dès qu’on quitte le platine, les rendements sont en dessous de 1% » insiste Vincent Artero. Il y a encore beaucoup de travail ! Mais la concurrence est « hélas et heureusement très rude » constate Marc Fontecave. « Il y a 10 ans, presque aucune recherche n’existait dans ce domaine. Aujourd’hui, on assiste à une véritable explosion. Les Etats-Unis ont énormément investi, qu'il s'agisse du MIT ou de Cal Tech ».

L’hydrogène pour l’habitation et les transports ?

L’exploitation de l’hydrogène peut laisser rêveur. Nous pourrions envisager demain de disposer de véhicules électriques avec un stockage par l’hydrogène et dont les piles à combustibles pourraient être rechargées dans des stations solaires… (Plusieurs marques de voitures ont lancé des prototypes en ce sens comme Honda et Renault), mais là encore, plusieurs contraintes persistent :

- Le coût de la pile à combustible avec de l’or ou du platine : « Concevoir une voiture avec une pile à combustible à ce jour équivaudrait à multiplier son prix par deux » explique Vincent Artero.
- Le stockage de l’hydrogène de manière embarquée dans un véhicule pour une autonomie suffisante de plusieurs centaines de kilomètres est un problème non résolu (compacité et poids du stockage).

Prototype de voiture à hydrogène dessiné par Renault

Pour l’instant la plupart des industriels développent des batteries électriques classiques, de plus en plus performantes et sont beaucoup moins portés sur l’hydrogène, encore trop expérimental. Pourtant, les batteries électriques actuelles permettent une autonomie de 200 kilomètres « alors qu'avec une pile à combustible, on pourrait aller jusqu’à 600 km d’autonomie » remarque Vincent Artero.

Sur le plan de l’habitation en revanche, l’exploitation de l’hydrogène comme combustible semble beaucoup plus réaliste à court terme.
« Avec l’hydrogène, les maisons pourraient à la fois être productrices et consommatrices d’hydrogène. Chacun deviendrait producteur de sa propre énergie. C’est l’idée de l’américain Jeremy Rifkin. Nous avons calculé avec Vincent qu’avec 2,5 litres d’eau par jour et une surface de 55 m2 de panneaux photovoltaïques, vous pouviez produire de l’hydrogène pouvant alimenter en électricité toute une famille, hors chauffage ».
Quant au surcoût dans l’équipement d’une maison, il ne serait que de 10 à 15% plus cher, donc envisageable à exploiter très rapidement.

En attendant, Vincent Artero et Marc Fonntecave poursuivent leurs recherches et leurs observations pour développer la pile à combustible de demain, sans or ni platine.

Marc Fontecave

Marc Fontecave est chimiste, spécialiste international de la chimie bioinorganique, il travaille au Laboratoire de chimie et biologie des métaux à l’université Joseph Fourier de Grenoble unité mixte de recherche avec le CEA et le CNRS. Marc Fontecave est professeur au Collège de France et membre de l’Académie des sciences

Vincent Artero

Vincent Artero est chercheur au Commissariat à l’Énergie Atomique et aux Énergies Alternatives, et travaille avec Marc Fontecave au sein du laboratoire de Chimie et Biologie des Métaux, université Joseph Fourier de Grenoble. Il vient de recevoir le prix Mergier-Bourdeix de l’Académie des sciences le 12 octobre 2011.

En savoir plus

- Marc Fontecave sur Canal Académie
- Marc Fontecave membre de l'Académie des sciences
- Marc Fontecave professeur au Collège de France

- Vincent Artero, page personnelle

- Laboratoire de de chimie et biologie des métaux à l’université Joseph Fourier de Grenoble

Retrouvez la vidéo Un chercheur une manip du Palais de la découverte avec Vincent Artero présentant les grands principes de la catalyse.

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