Trésors de la bibliothèque Mazarine : l’abbé Leblond "second fondateur"

Une exposition rare à la célèbre bibliothèque fondée par Mazarin
Avec Anne Jouffroy
journaliste

La Mazarine est la plus ancienne bibliothèque publique de France. Parmi ses bibliothécaires, l’abbé Leblond (1738-1809) qui joua un rôle prépondérant au point qu’on le désigne comme « le second fondateur de la bibliothèque ». Découvrez avec Isabelle de Conihout, conservateur en chef et commissaire de l’exposition, l’histoire de cette bibliothèque fameuse, la personnalité de Leblond et quelques uns des trente ouvrages exceptionnels exposés jusqu’au 5 mars 2010.

Émission proposée par : Anne Jouffroy
Référence : carr665
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A l’occasion du bicentenaire de la mort de l'abbé Gaspard Michel Leblond, qui fut membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, la bibliothèque Mazarine lui consacre un ouvrage collectif et expose trente chefs d'oeuvre, manuscrits et imprimés, considérés comme les plus exceptionnels parmi ceux qu’il a su acquérir au cours de son mandat.

On l’oublie trop souvent, la bibliothèque Mazarine est la plus ancienne bibliothèque publique française dont l’activité se poursuit dans les mêmes locaux depuis trois siècles. Elle est toujours là : dans ce palais Quai de Conti où se trouve l’Institut de France qui regroupe les cinq académies. L'abbé Leblond y fut sous-bibliothécaire de 1770 à 1790 puis il la dirigea de 1791 à 1801 ; titre et traitement de directeur lui furent conservés jusqu’à sa mort en 1809. Il y installa des objets d’art.

Vue de la bibliothèque de l’Institut depuis la Bibliothèque Mazarine
© Bibliothèque Mazarine

Le cardinal Mazarin, devenu ministre du roi de France, décida de se constituer à Paris une bibliothèque à l’image de celles des grands personnages de l’État, comme son prédécesseur le cardinal de Richelieu. Il confia à Gabriel Naudé, auteur de L’Avis pour dresser une bibliothèque publié en 1627, le soin de composer la sienne. En quelques années, cet érudit rassembla les meilleurs livres que l’on pouvait trouver aussi bien en France qu’à l’étranger. Et c’est lui qui, en 1643, conseilla au prélat d’ouvrir sa bibliothèque au public.
Quelques jours avant sa mort, en mars 1661, Mazarin décida de consacrer une part de son immense fortune à la fondation d’un collège qui devait prendre le nom de Collège des Quatre-Nations dans lequel serait installée sa bibliothèque afin qu’elle puisse continuer à jouer son rôle de bibliothèque publique- ce qui lui permettra de traverser les orages révolutionnaires sans subir de confiscations.
Cette bibliothèque des Quatre-Nations demeura, ainsi, indépendante jusqu’à ce qu’elle soit rattachée à l’Institut de France en 1945 pour des raisons pratiques évidentes.

Frédéric II de Hohenstaufen, L’art de chasser avec les oiseaux, Lombardie, milieu du XVe siècle
© Bibliothèque Mazarine

Le citoyen et abbé Leblond, bibliothécaire et antiquaire- de nos jours on dirait « archéologue »- eut une double action lors des turbulences révolutionnaires. D’une part, Président des différentes commissions de la confiscation et de la répartition des livres et objets d’art, il géra l’afflux des œuvres confisquées aux communautés religieuses, aux émigrés et aux Institutions de l’enseignement supérieur et il s’attela à sauver de nombreux objets et monuments promis au vandalisme et à la destruction irrémédiable. Il réussit, ainsi, avec son ami Alexandre Lenoir, le créateur du Musée des Monuments Français, à mettre à l’abri les Esclaves de Michel-Ange et les Trois Grâces de Germain Pilon.

Bible latine, partie de l’Ancien Testament, vers 1220-1230
© Bibliothèque Mazarine

D’autre part, il sut obtenir pour la bibliothèque Mazarine près de cinq mille manuscrits et soixante mille livres imprimés qui viennent compléter la collection initiale. Il fit aménager une galerie annexe de la Mazarine pour abriter ces enrichissements et la décora de boiseries provenant de l’abbaye de Saint-Denis sculptées au XVIIIe pour le réfectoire par un moine et de quarante-deux pilastres d’ordre corinthien.
En 1806 cette nouvelle galerie fut affectée à la bibliothèque de l’Institut transféré l’année précédente dans le « Palais des Beaux-arts », nouvelle appellation de collège des Quatre-Nations où les écoles d’art venaient d’être installées. C’est ainsi que Leblond devint, selon Mireille Pastoureau « l’architecte involontaire de la bibliothèque de l’Institut ».

Isabelle de Conihout a sélectionné trente livres remarquables qui rendent justice à l’œuvre de Leblond, considéré comme le "second foncateur de la Mazarine" :

- quelques-uns des plus beaux manuscrits, pour rappeler qu’il a reconstitué de toutes pièces une collection dont la Mazarine avait été privée lors de l’achat des manuscrits de Mazarin pendant la Fronde.
- de grands textes en édition originale

Jean d’Arras,  Histoire de Mélusine , Genève, A. Steinschaber, 1748
© Bibliothèque Mazarine

(Lancelot du Lac, Mélusine, le Roman de la rose, Viator, Louise Labé, Tristan L’Hermite), des voyages (Jacques Cartier, le père Labat et La Pérouse), des monuments de la typographie( incunables hébreux, Grandes Heures de Vérard), des reliures, des documents graphiques (les dessins d’Augustin de Saint-Aubin, les remarquables planches de Cassas.
La plupart avaient été confisqués dans les établissements religieux et les collèges d’Ancien Régime ; quelques uns proviennent de collections princières ou royales (Louis XVI). Certains ont été obtenus grâce à l’ingéniosité de Leblond (le somptueux Flavius Josèphe du cardinal Amboise, échangé contre une édition de travail). Deux enfin (le manuscrit de fauconnerie de Frédéric II et les dessins de Saint-Aubin) ont été donnés par lui à la bibliothèque.

Lustre à neuf branches, commandé par la marquise de Pompadour pour son château de Crécy vers 1750-1755, installé dans la galerie de la bibliothèque
© Bibliothèque Mazarine


Exposition jusqu’au 05/03/2010:

Antiquité, Lumières et Révolution
L’ABBE LEBLOND (1738-1809)
« Second fondateur de la Bibliothèque Mazarine »
Bibliothèque Mazarine, 23 quai Conti , 75006, Paris

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