Olivier Messiaen, le compositeur ornithologue (1908-1992)

par François-Bernard Mâche, son confrère à l’Académie des beaux-arts
François-Bernard MÂCHE
Avec François-Bernard MÂCHE
Membre de l'Académie des beaux-arts

Il se disait autant ornithologue que compositeur. Et même peut-être davantage un admirateur d’oiseaux qu’un amoureux des notes. Olivier Messiaen, qui aurait eu 100 ans en 2008, avait retranscrit près de 400 chants d’oiseaux, répertoriés dans ses œuvres. Voici une analyse d’Olivier Messiaen ornithologue, par le compositeur François-Bernard Mâche, de l’Académie des beaux-arts.

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Olivier Messiaen

Olivier Messiaen était fasciné par les oiseaux. Il avait fréquenté les plus grands ornithologues et parcouru le monde entier pour écouter de multiples chants d’oiseaux. Dans ses compositions musicales, Messiaen retranscrivait les improvisations des « premiers musiciens du monde ».
Une transcription souvent réaliste, parfois idéaliste, et qui paradoxalement, a heurté le public. Particulièrement dans une œuvre telle que L'épode de Chronochromie, où 18 oiseaux chantent en fugue, au lever du soleil…

Pour parler d’Olivier Messiaen ornithologue, nous avons invité le compositeur François-Bernard Mâche, membre de l’Académie des beaux-arts, tout comme l’était Olivier Messiaen. François-Bernard Mâche a été l’élève d’Olivier Messiaen au Conservatoire national supérieur de musique de Paris. Lui aussi, a utilisé des chants d’oiseaux, soit en bande magnétique, soit en transcription pour instrument.

Olivier Messiaen avait reçu l’enseignement de Paul Dukas qui recommandait à ses élèves d’écouter des chants d’oiseaux.
L’oiseau incarne la liberté totale dans la pulsation métrique, la sûreté absolue dans l’improvisation. Il présente aussi une valeur spirituelle, chère à Olivier Messiaen : les oiseaux sont les messagers du divin, jouissent d’une providentielle infaillibilité de l’instinct. Ils étaient les compagnons de Saint-François d’Assise. Paradoxalement, note François-Bernard Mâche, Messiaen s’est plus intéressée au formalisme du chant d’oiseau qu’à son aspect mystique.

François-Bernard Mâche, de l’Académie des beaux-arts

Olivier Messiaen mêlait formalisme et extrême réalisme : c’est l’objet de ses recherches dans les années 50. Il tentait de trouver un équilibre entre formes acceptées et inventées, entre le naturel et la linguistique.
Il faut préciser que parmi les 300 à 400 espèces d’oiseaux qui se trouvent dans son œuvre, figurent très peu d'oiseaux imaginaires.

Pour rendre le timbre d’un oiseau, Messiaen procède à des agrégats de notes : c’est la méthode additive. Il n’y a pas d’harmonie, pas de fonction tonale ou modale, mais une vision acoustique du son. Difficile synthèse entre le langage modal purement humain et un monde de sonorités et de syntaxes complexes.

« Dans mon Catalogue d’Oiseaux, disait Messiaen, on pourrait relever un grand nombre d’innovations, parce que la reproduction du timbre des oiseaux m’a contraint à des constantes inventions d’accords, de sonorités, de combinaisons de sons et de complexes de sons qui aboutissent à un piano qui ne sonne pas « harmoniquement » comme les autres pianos. Exemple avec le Merle bleu. »
Messiaen disait aussi : « C’est dans mon Catalogue d’Oiseaux et dans la Fauvette des jardins que vous trouverez ma plus grande innovation formelle. Là, au lieu de me référer à un moule antique ou classique, j’ai cherché à reproduire sous une forme condensée la marche vivante des heures du jour et de la nuit. »

Passé 1949 et la composition de Turangalila , la présence de chants d'oiseaux dans l'œuvre d'Olivier Messiaen est très fréquente.

Dans Oiseaux exotiques , Messiaen a même placé côte à côte des oiseaux de différents continents, qui ne se rencontrent jamais ! Ces chants sont soutenus par une écriture ‘strophique’ pour les percussions aux bois, les cuivres, le xylophone, le glockenspiel et le piano.

Dans Réveil des Oiseaux , la partition retranscrit uniquement des chants d’oiseaux, sans aucun rythme ni contrepoint ajoutés, et les oiseaux se trouvent réunis par la nature. C’est une œuvre véridique.

Dans Chronochromie , le mouvement "Epode", écrit pour 18 cordes soli, retranscrit 18 chants d’oiseaux de France. Ils entrent les uns après les autres, un peu comme dans une fugue. Il s'agit d'une sorte contrepoint à dix-huit voix réelles, qui dure dix minutes. L'œuvre a fait scandale. Hors de leur contexte naturel, les chants d'oiseaux seraient-ils difficilement audibles...?

Le phénomène est amplifié dans Le Prêche aux oiseaux, de l'opéra Saint-François d'Assise. Il s'agit d'un « grand fouillis organisé, sans équivalent dans la musique contemporaine », décrivait Messiaen. Il la considérait comme sa « meilleure musique d’oiseau ».

Au cours de cette émission, vous avez pu entendre des extraits de :
- Chronochromie, "Epode", dans l'interprétation de l'Orchestre de Cleveland dirigé par Pierre Boulez.
- la Fauvette des jardins, dans l'interprétation du pianiste Roger Muraro.
- le Catalogue des oiseaux, avec Yvonne Loriod au piano.
- des Canyons aux étoiles, le "Désert", avec l'Orchestre philarmonique de Radio-France dirigé par Myung-Whun Chung. Roger Muraro est au piano.
- le Réveil des oiseaux, interprété par la pianiste Yvonne Loriod et l'Orchestre National de France dirigé par Kent Nagano.

En savoir plus

- Le site du centenaire d'Olivier Messiaen, membre de l'Académie des beaux-arts
- Anik Lesur et Claude Samuel, Messiaen, le livre du centenaire, éd. Symétrie, 2008. Vous y trouverez un chapitre sur Messiaen ornithologue, rédigé par François-Bernard Mâche.
- François-Bernard Mâche, De la musique, des langues et des oiseaux. Entretien avec Bruno Serrou. éditions de Maule, Institut national de l’audiovisuel, 2007.
- Ecoutez nos émissions avec François-Bernard Mâche [en cliquant ici !->http://www.canalacademie.com/+-Francois-Bernard-Mache-+.html]
- Ecoutez toutes les émissions concernant Olivier Messiaen [en cliquant ici !->http://www.canalacademie.com/+-Olivier-Messiaen-+.html]

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