Objet d’art : un meuble d’appui en cadeau pour Louis XVI

La chronique de Bertrand Galimard Flavigny

En matière d’art, la copie intéresse moins que l’original. Et pourtant, certaines copies ont une histoire fabuleuse ! Et c’est bien sur une réplique d’un meuble de style Louis XVI datant du début XXe siècle que se penche aujourd’hui Bertrand Galimard Flavigny dans sa rubrique « Objets d’art », pour le plaisir des yeux et de la mémoire historique.

Émission proposée par : Bertrand Galimard Flavigny
Référence : carr687
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Il était courant, à la fin du dix-neuvième siècle et au début du vingtième, dans certaines familles de l’aristocratie, de commander chez les meilleurs ébénistes des copies de meubles prestigieux et royaux fabriqués dans les mêmes conditions qu’à l’époque des originaux. Des maisons comme Sormani, Linke et Lexcellent triomphèrent avec ces copies à l'Exposition universelle de 1900 aux côtés des défenseurs de l'Art nouveau.

Nous en avons un exemple avec la maison Lexcellent. Elle exécuta, comme l’indique une facture datée du 4 février 1908, « un meuble d’appui style Louis XVI en acajou moiré et moucheté poli et ciré avec marqueterie garnie de bronzes ciselés et dorés au mercure mat et brunis, marbre blanc véné dessus ». La bille d’acajou dans laquelle a été taillé ce meuble date, elle, du XVIIIe siècle. À partir d’elle, l’ébéniste Lexcellent mit trois ans à le fabriquer. Il est une réplique à 3 centimètres près, en plus (h : 125,5 cm – larg : 116 cm – prof : 53,5 cm) d’un meuble d’appui en acajou et marqueterie de buis, bois satiné et bois de rose, signé par Charles-Erdmann Richter (1745-1829). Cet ébéniste, d’origine saxonne, fut reçu maître en 1784. Il est considéré comme étant dans la lignée de Guillaume Benneman, autre ébéniste d’origine allemande qui travailla également pour Louis XVI, reçu maître en 1785 (mort en 1803). Bien que sa production soit trop peu nombreuse pour nous renseigner sur lui, nous savons qu’il était le fils d’un maître tourneur grâce à son contrat de mariage avec Suzanne Leclopé, en 1781 signé à l’ambassade de Suède à Paris. Il fut notamment l’un des fournisseurs de Monsieur, comte de Provence.

Meuble de la maison Lexcellent. Copie d’un meuble d’appui réalisé par Charles-Erdmann Richter pour Louis XVI

Ce meuble d’appui – l’original – provenant de la collection de meubles français de John Jones, est entré, en 1882, au South Kensington museum devenu depuis le Victoria & Albert museum à Londres. « Ce meuble est simple mais d’une perfection technique et d’une finesse de style remarquable », assure Guillaume Janneau dans son ouvrage Les ateliers parisiens d’ébénistes et de menuisiers aux XVIIe et XVIIIe siècles (Éd. S.E.R.G.) Cet auteur prétend que cette « élégante armoire basse aux deux vantaux d’amarante » sont incrustés du monogramme en bois teint du comte de Provence, futur Louis XVIII. Cela nous étonne, car le prénom du comte de Provence était Louis-Stanislas et quand bien même on l’appelait Stanislas, ses initiales « L-S » ou un « S » doublé ne correspondent pas au double « L » figurant sur le meuble. Le comte de Provence, « Monsieur », frère du roi, donc « enfant puîné des rois » portait, par ailleurs sur ses armoiries, une couronne ouverte, consistant en un cercle rehaussé de huit fleurs de lys. La couronne surmontant les initiales peintes sur les portes du meuble, est fermée et ressemble bien à la couronne des rois de France : un cercle bordé de huit fleurs de lys (trois visibles de face, deux de profil), et de huit cintres ou diadèmes (cinq visibles) qui le ferment et portent au sommet une double fleur de lys. Nous serions donc enclins à croire la tradition familiale qui rapporte que ce meuble avait été commandé par Marie-Antoinette pour l’offrir à Louis XVI. C’est la raison pour laquelle on fit exécuter une réplique à l’ébéniste Lexcellent.

La facture que nous avons sous les yeux fait état d’une commande globale d’un mobilier complet de style Louis XVI, depuis les chaises, les bergères, en passant par un trumeau et une console, deux bibliothèques, l’une Louis XVI, l’autre Louis XV, les portes avec treillage en cuivre, un bureau d’après Riesener, en acajou moiré, et un paravent. Tout ceci correspondait à un art de vivre. Le meuble d’appui avait été facturé au début du siècle 3 380 francs, soit un peu plus de 10 000 €, en valeur constante.

Bertrand Galimard Flavigny

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