Objet d’art : le tabouret 1925 de Leleu

Par Bertrand Galimard Flavigny

Jules Leleu (1883-1961) est considéré comme un des artistes décorateurs les plus réputés de la période Art Déco. Bertrand Galimard-Flavigny nous présente dans cette émission son objet phare : le tabouret de 1925.

Émission proposée par : Bertrand Galimard Flavigny
Référence : carr515
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« Son style sévère, dépouillé, évite toujours la sécheresse. Il se rapproche davantage de celui de Ruhlmann que du lyrisme de Sue et Mare ou d’André Groult », dit de lui Pierre Kjellberg, l’auteur du livre Le mobilier du XXe siècle.

Jules Leleu (1883-1961) est considéré comme un des artistes décorateurs les plus réputés de la période Art Déco. Leleu s’est inspiré des styles traditionnels en simplifiant les formes et en modifiant les décors. Si, à l’origine, ses meubles d’esprit Louis XV ou Louis XVI, rappellent parfois ceux de la Restauration, ceux qui suivirent devinrent plus rigides et plus géométriques ; ce que nous retrouvons dans une console monumentale (25,5 cm x 49 cm), exécutée en onyx et marbre proposée le jeudi 6 novembre 2008, à Londres, par Sotheby’s (1). Cette console repose sur une sinusoïdale à l’intérieur des courbes desquelles a été posée deux sphères.

On décèle aussi des influences africaines. Il n’est pas certain que Leleu en ait eu une conscience immédiate. Son tabouret, dessiné vers 1925 (52, 5 x 64 cm) en bois recouvert de peau de chagrin (d’âne), marqueté d’ivoire, le siège courbé reposant sur quatre pieds octogonaux, posés sur une base ovale, fait songer aux tabourets des peuples Akan, qui étaient établis dans une région de l'actuel Ghana débordant en Côte d’Ivoire, et au Togo en Afrique.

Ces sièges ont, selon les propos de l’expert Pierre Amrouche, une « belle assise légèrement incurvée reposant sur quatre pieds rectangulaires et sur un pilier », comme, d’une certaine manière, le tabouret de Leleu, reposent le plus souvent sur trois larges pieds sculptés parallèles. Le Pr. et Madame Jean Bienaymé dont la collection d’art primitif a été dispersée à Drouot en mars 2001, en possédaient une quinzaine tous différents. Le plus épuré pouvant cousiner avec celui de Leleu, sans doute par sa taille (67 x 47 cm) provenant d’une région plus éloignée, d’Abomey, de l’actuel Dahomey. Celui-là, à l’assise particulièrement haute est soutenu par cinq planches verticales. La première, placée au centre de l’embase, est creusée d’une série de cercles et est entourée de quatre autres planches plus fines et dentelées. La surface du plateau est gravée d’un cercle orné de motifs en croisillons, autour duquel huit flèches rayonnent. « Le sculpteur a ici fait alterner les formes circulaires et les lignes droites de manière à exprimer la dualité féminité/virilité », explique l’expert Pierre Amrouche. Il n’est pas certain que Jules Leleu ait donné aux quatre pieds octogonaux, posés sur une base ovale, une quelconque signification symbolique.

Nous imaginons volontiers, le designer devant un parterre choisi, dans l’un des salons du nouveau palais de la Société des Nations à Genève qu’il aménagea en 1936, expliquer l’origine de ces tabourets. Ils avaient plusieurs destinations. Pour commencer, le mari en offrait un à la femme Mma Dwa, le jour de ses noces. Il s’agit, après tout d’un ustensile de ménage. Un autre était exclusivement destiné à la reine –mère sans que l’on sache pourquoi celui-là et pas un autre. Un proverbe Akan dit que « seul le sage peut défaire le nœud de la sagesse ». Certains de ces tabourets ornés d’un nœud en leur centre, illustrent ce proverbe. Quittant l’homme, le conférencier serait passé à l’animal, porteur de puissance ; en décrivant un Osebo Dwa, toujours Akan, un tabouret léopard qui symbolise le pouvoir et l’influence de l’Asantebéné (le roi) à qui il est réservé. Mieux que le léopard, l’éléphant. Il aurait décrit un Asono-Dwa plus grand que les autres (h : 52 cm, l : 55 cm) dont l’assise représente un éléphant allait aussi directement au roi. Aurait-il osé, au sein de la SDN signaler une autre pièce qui représente un personnage allongé, les jambes pliées, soutenant le plateau sur ses genoux et ses paumes. « Le corps aux formes anguleuses, offre un point de vue et une dynamique originale », aurait-il dit. L’homme ici représenté incarne probablement l’esclave sur lequel le chef s’asseyait en l’absence de siège.

(1) www.sothebys.com

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