Pôles en péril

Entretien avec Yvon Le Maho, membre de l’Académie des sciences et Michel Gauthier-Clerc
Yvon LE MAHO
Avec Yvon LE MAHO
Membre de l'Académie des sciences

Déficit d’ozone, accumulations de polluants, introduction d’espèces exotiques, réchauffement du climat… Michel Gauthier-Clerc et Yvon Le Maho développent au cours de cette émission leur point de vue sur l’impact de la pollution de l’homme aux pôles et les conséquences pour la biodiversité.

Michel Gauthier Clerc et Yvon Le Maho vous emmènent visiter l’Arctique et l’Antarctique, à travers un bel ouvrage d’écologie, Pôles en périls, publié en 2007 chez Buchet Chastel.

Respectivement grands de 21 millions et 14 millions de km² pour des températures oscillant entre moins 50°C et moins 70° C, le pôle Nord et le pôle Sud, si inhospitaliers à l’homme, abritent cependant une variété incroyable d’oiseaux, d'otaries, de phoques et autres éléphants de mer.

Mais cette biodiversité est aujourd’hui en danger :
En Arctique, les fleuves sibériens déversent directement leurs polluants dans l’océan.
Les concentrations de plomb dans les ailes de manchots ont considérablement augmenté sur ces 200 dernières années. Les ours polaires ont le plus fort taux de pesticide et de métaux lourds emmagasinés dans leurs graisses. Les baleines retrouvées échouées sont si polluées qu’elles sont incinérées dans des centres habituellement réservés aux déchets dangereux.
Des éléments radioactifs arrivent également jusqu’aux pôles, par voie atmosphérique…
 

Michel Gauthier-Clerc sur l’île de la Possession dans l’Archipel des Iles Crozet (nov. 1996)
© Samuel Drault

 

Tout cela sans compter le réchauffement des glaces terrestres qui en plus d’élever le niveau de la mer, sont autant de territoires en moins pour ces espèces.
 

 

Le dégel du Spitzberg, archipel du Svalbard
© Michel Gauhtier-Clerc

 

Réchauffement climatique et responsabilité de l’homme

Mais sur ce dernier point, le réchauffement climatique n’est-il pas une simple accentuation d’un phénomène qui de toute façon aura lieu ?
Pour Michel Gauthier-Clerc, nous sommes effectivement dans une ère générale de réchauffement terrestre. Mais cette accélération aussi rapide des températures sur une cinquantaine d’années seulement est incomparable avec les ères précédentes. L’homme et ses polluants accélèrent et accentuent fortement un phénomène initialement naturel.
Pour Yvon Le Maho, penser que la nature a toujours su s’adapter aux nouvelles conditions, est bêtise. « Comment voulez-vous que des espèces s’adaptent à une telle vitesse lorsque l’on sait qu’il faut en moyenne un million d’années pour la création d’une nouvelle espèce ? »

Exploitations des ressources pétrolières en Antarctique : une nouvelle menace pour la biodiversité ?

En 1959, le traité de l’Antarctique est signé. Il considère que le pôle Sud est un continent de paix et de science, gelant les prétentions territoriales. Après une crise dans les années 1980 (parmi les signataires, certains souhaitaient revoir les modalités de cet accord), les choses s’apaisent en 1991, avec un protocole désignant l’Antarctique comme « réserve naturelle consacrée à la paix et la science ». Aujourd’hui, avec la crise pétrolière et la recherche de nouveaux gisements, ce protocole n’est-il pas mis en danger ?
 

 

Dérangement dans les îles subantarctiques, manchot royal couvant son œuf
© Michel Gauhtier-Clerc

Pour Michel-Gauthier Clerc, il faut rester lucide : actuellement en Antarctique, la science sert d’alibi sur un territoire où il reste difficile économiquement d’exploiter les gisements de pétrole.
Si la remise en question du protocole n’est pas au goût du jour, la situation pourrait bien changer d’ici quelque temps.
Du côté de l’Arctique où les gisements de pétrole sont actuellement exploités, on observe en revanche une crispation du Canada, du Danemark, des Etats-Unis et de la Russie.

Au cours de cette émission écoutez également Michel Gauthier-Clerc et Yvon Le Maho évoquer leurs meilleurs moments en missions aux pôles.

En savoir plus :
- Michel Gauthier-Clerc est chargé de recherche à la station biologique de la Tour du Valat, en Camargue. Vétérinaire de formation, il travaille actuellement sur les zoonoses des oiseaux sauvages.

- Yvon Le Maho, membre de l'Académie des sciences est écophysiologiste, directeur de recherche au CNRS, président du Conseil scientifique du patrimoine naturel et de la biodiversité (MEDAD), membre du comité de veille écologique de la Fondation Nicolas Hulot et membre de l’atelier sur la biodiversité au Grenelle de l’Environnement.

Michel Gauthier-Clerc (Auteur), Yvon Le Maho (préface), Pôles en péril, éditions Buchet-Chastel, mars2007

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