Moraliser le capitalisme, est-ce possible ?

Avec Anne Salmon, philosophe et sociologue
Avec Jean-Louis Chambon
journaliste

Philosophe et sociologue, professeur d’université, Anne Salmon s’affirme par la parution Moraliser le capitalisme, comme l’une des références intellectuelles contemporaines des problématiques de l’éthique et de la morale. Invitée par Jean-Louis Chambon, elle explique comment les valeurs, l’éthique, la morale, font progresser le monde de l’entreprise et de la finance.

Émission proposée par : Jean-Louis Chambon
Référence : pag666
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Notre invitée se dresse aux côtés des plus grands tout en occupant un espace très personnel, voisin de celui de Peter Sloterdijk mais à distance des pascaliens qui avec André Comte-Sponville, considèrent que le capitalisme est amoral (et efficace pour cela…) ou des proches d’Auguste Comte, qui avec Pierre Dockès estiment que le capitalisme reste en relation avec une forme de morale, certes éloignée du puritarisme de ses origines mais qui lui est propre, c’est-à-dire utilitaire et progressiste.

L’interrogation qui accompagne le titre de cette parution dévoile une large part de la thèse centrale : le phénomène contemporain de production « de valeurs », et d’« offre éthique » par le monde des affaires est-il constitutif d’une « tentation de moralisation du capitalisme » ou bien d’une « économisation de l’éthique ».

Anne Salmon

Dans son analyse particulièrement détaillée et en perspective historique, l’auteur apporte des éléments de réponse :

- «Les offres éthiques des entrepreneurs (charte, code, accords de responsabilité sociale) apparaissent comme des instruments d’une adhésion à l’ordre économique, destinés à se libérer des ordres tutélaires (spiritualité, morale) tout en assurant un contrôle sur les conduites individuelles pour les conformer aux exigences du système».

La formulation « économique de l’éthique » devenue simple outil de gestion, d’orientation managériale serait-elle en passe de s’émanciper de toute autorité extérieure à elle-même ?

- Cette « économisation » tend à répondre à une quête des individus recentrés sur l’entreprise devenue « communauté », et visant à restaurer la confiance et la motivation des salariés dans un contexte de crise et de scandale moral. Mais cette métamorphose des valeurs éthiques en biens de consommation appropriables par l’individu pour son bien-être n’est-elle pas la source d’une future démoralisation de la société par le capitalisme ?

Réhabiliter l’idée de progrès à l’aune de la mondialisation, c’est sans doute remettre l’individu au centre de l’économie et préférer « le BIN (bonheur individuel net) au PIB (produit intérieur brut) » comme le suggère le Prix Nobel d’Economie, Joseph Stiglitz.

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