La Revue des Deux Mondes : La condition cancer

Michel Crépu, rédacteur en chef de la Revue des Deux Mondes, nous présente le numéro de février 2008, qui aborde un sujet sensible, le cancer.

L'éditorial de Michel Crépu :

Il n’est pas si habituel que la Revue des Deux Mondes s’intéresse au domaine de la maladie et des questions générales de santé. On peut s’en étonner d’autant plus que ces questions sont celles du plus grand nombre et qu’elles tiennent, plus profondément, à la manière dont une société appréhende sa mortalité, comment elle la symbolise – ou non.
S’agissant du cancer, on voit bien qu’on touche ici à une sorte d’emblème : le cancer symbolise en effet à lui tout seul ce qu’on appelait naguère la « condition humaine ». Expression ayant pris avec le temps on ne sait quoi d’un peu désuet, à la patine existentialiste, souvenir d’un bon vieux temps où l’« homme » avait des inquiétudes métaphysiques.

Rien ne dit que ce ne soit plus le cas aujourd’hui, les symptômes sont là, il faut être aveugle pour ne pas les voir. Mais le fait est que l’individu de la post-histoire, de l’individualisme démocratique donne l’impression d’aborder tout cela sans discours, sans pensée, sans symbole : la diététique a-t-elle remplacé la métaphysique ? On le dirait bien et il n’est pas impossible que la psychanalyse connaisse désormais les mêmes difficultés que nos maîtres philosophes d’autrefois. Le succès incontestable du livre de David Servan-Schreiber (1), mettant au premier plan non pas tant un art de vivre au sens classique mais plutôt un régime de vie, ne nous contredira pas sur ce point.
Les lecteurs fidèles de la Revue retrouveront avec plaisir dans ce numéro la plume de Renaud Girard, de retour d’Iran, tandis qu’Édith de La Héronnière dialogue avec le philosophe Jean Lacoste sur l’oeuvre de Goethe. De son côté, Jean-Paul Clément revient sur les liens qui unissent un Mauriac, un Barrès à Chateaubriand : une manière d’explorer et de donner à comprendre ces filiations complexes qui font, avec le temps, le tissu d’une sensibilité. Dans un remarquable livre d’entretiens avec Jean-Luc Barré qui vient de paraître (2), Jean Mauriac, fils de François, ayant derrière lui une longue carrière de journaliste, revient sur les lectures de son père, au premier rang desquelles figurait la Revue des Deux Mondes. Occasion de souligner à quel point la mémoire littéraire n’est pas seulement un objet fétiche mais une source de renouvellement.
On trouvera également dans ce même numéro un retour critique à deux voix (Catherine Soullard et Michel Crépu) sur le film d’Abdellatif Kechiche, la Graine et le mulet, certainement l’un des films les plus intéressants de ces derniers mois. Preuve en tout cas que le cinéma français est capable de se hisser au-dessus des caricatures sociologiques d’usage. Une bonne nouvelle.
Bonne lecture,
M.C.

- 1. David Servan-Schreiber, Anticancer. Prévenir et lutter grâce à nos défenses naturelles, Robert Laffont, 2007.
- 2. Jean Mauriac, le Général et le journaliste. Conversations avec Jean-Luc Barré, Fayard, « Témoignages pour l’Histoire ».

ÉTUDES ET RÉFLEXIONS
- Renaud GIRARD, Le divorce s’accroît entre le régime et la société iranienne
- Jean-Paul CLÉMENT, Dialogue aux Enfers : Mauriac, Chateaubriand, Barrès
- Jean LACOSTE, Entretien : Goethe et la lumière
- Philippe NEMO, L’infirmité de la paix de Babylone
- Jean-Pierre NAUGRETTE, Épreuves sur Japon
- Annick STETA, D’où vient la croissance économique ?

JOURNAL LITTÉRAIRE
- Michel CRÉPU, Barthes, Compagnon, Garcin, Sallenave, Saviano...

LA CONDITION CANCER
- Patrice PINELL, Entretien : Une histoire qui en dit long
- Orlane CLOUET, Le cancer aujourd’hui en France
- Anne-Marie EUGENE-MOURRE, Après l’amiante, éviter d’autres drames
- Andrée JANVIER, Entretien : D’un cancer l’autre
- Michel CRÉPU, Hygiène de la condition humaine. Rencontre avec David Servan-Schreiber

Créée en 1829 pour établir une passerelle culturelle, économique et politique entre la France et les sociétés extra européennes, la Revue des Deux Mondes est aujourd’hui le lieu de débats et de dialogues entre nations, disciplines et cultures sur les sujets majeurs de nos sociétés. Elle est un laboratoire d’idées et de réflexions, un outil vivant qui incite à agir, laissant à chaque lecteur le soin de se forger sa propre opinion.

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