Cocteau, archéologue de sa nuit

Un album de l’écrivain Dominique Marny, petite-nièce de l’académicien, membre de l’Académie française
Jean COCTEAU
Avec Jean COCTEAU de l’Académie française,

Dominique Marny, écrivain, petite-nièce de Jean Cocteau, nous présente son album Cocteau, archéologue de sa nuit, mélange de documents, illustrations et autres photos (dont certains inédits) qu’elle commente avec sensibilité et profondeur. Vous voulez découvrir quelques secrets de l’académicien qui fut cinéaste, écrivain, dessinateur... ? Écoutez vite cette émission !

Quelle belle idée de rendre hommage à son grand-oncle, surtout quand il s'appelle Cocteau ! Pour se faire Dominique Marny a rassemblé une quantité d'archives non négligeables : "un travail titanesque!" : photos, dessins, illustrations viennent ornementer un texte empreint d'émotion qui prend la note d'une biographie. Qui d'autre pouvait mieux parler de Cocteau que Dominique Marny ? Elle qui a connu l'académicien jusqu'à ses 15 ans, raconte dans cette émission l'élaboration du livre Cocteau, archéologue de sa nuit (Editions textuel) et des souvenirs très intenses.

Rendre accessible un homme aux multiples facettes

On ne peut évoquer le monde artistique du XXe siècle sans prononcer le nom de Jean Cocteau. Poète, romancier, dessinateur, cinéaste, dramaturge, cet infatigable créateur était un homme aux multiples facettes.

Jean Cocteau (1889 - 1963), est un poète français, artiste aux multiples talents, graphiste, dessinateur, auteur de théâtre, mais aussi cinéaste

Comment aider le grand public à cerner le personnage ? «Le but était de le rendre accessible à travers une vie peu simple à raconter. Il fallait le rendre presque intime auprès d'un lectorat interrogatif.» Cocteau n'a eu de cesse de s'évader du monde réel en en fabriquant un autre, à la hauteur de ses rêves. Il
mêlait la poésie sous toutes ses formes à sa vie. «Il était avant tout un poète : il a fait de la poésie de théâtre, de cinématographe, de dessin et de la poésie tout court. Les gens le connaissent beaucoup pour sa vie mondaine mais il n'y a pas que cela !» Grâce aux nombreux documents inédits qui composent cet album, il est aisé de comprendre qu'il a été à la fois un acteur et un passeur incontournable.

Inspiré et visionnaire

L'auteur des Enfants terribles et de Thomas l'imposteur sut détecter avant tout le monde les mouvements et les talents qui ont marqué son époque : Serge de Diaghilev et les Ballets Russes, le surréalisme... Ses amis se nomment alors Picasso, Stravinsky, Satie, Jacob, Poulenc, Auric, Honegger, Vilmorin, Piaf, Colette. Ses compagnons Radiguet, Marais...

Jean Cocteau par Modigliani, 1919

Dans ce beau-livre nous trouvons des archives originales : de la quittance de loyer à des photos de Cocteau en compagnie d'écrivains tels que Colette mais aussi des lettres. Quel personnage facétieux ! «Cet ouvrage permet de montrer ce qu'on ne connait pas forcément de lui : des dessins de mode ou encore des photographies sur la sortie d'Orphée que j'ai retrouvées dans un tiroir. Chaque fois que je travaillais j'avais l'impression que les choses arrivaient toutes seules, c'était très étrange !» Ce que Dominique Marny préfère ? «Personnellement, j'ai un grand faible pour les autoportraits de Jean l'oiseleur : ce sont 30 autoportraits agrémentés de réflexions qui font suite à l'immense tristesse que ressent Jean Cocteau à la mort de son compagnon Raymond Radiguet».

Une anecdote à propos des Parents terribles

Jean Cocteau alla passer 7 jours à Montargis en compagnie de Jean Marais pour se concentrer, loin de la vie parisienne. Durant toutes ces journées, Marais voyait Cocteau s'allonger sur le lit et rester les yeux dans le vague... Il s'ennuyait à mourir. Au bout de 7 jours, Cocteau se redressa, prit des feuilles de papier et écrivit d'un jet Les parents terribles.

Un homme à la sensibilité absolue

Il le disait lui-même : «un poète est un être grave qui doit avoir une apparence de légèreté.» Du suicide de son père lorsqu'il avait 9 ans, il garde l'ombre de ce drame dans son oeuvre. Il disait : «douter de tout c'est aussi douter du doute. Voilà ce qui guette les incrédules».

La maison de Jean Cocteau à Milly-la-Forêt

Cocteau à l'Académie

Dominique Marny était très proche de Jean Cocteau qu'elle adorait. Elle nous apprend que l'on parla d'elle sous la Coupole le jour de la réception de Jean Cocteau à l'Académie française ! «Quand il a été reçu par André Maurois en 1955, j'avais 7 ans. Je venais d'avoir un frère et comme on m'avait dit que c'est un ange qui l'apporterait à la maison, j'avais dit à ma mère que je ne voulais pas voir mon frère mais l'ange ! L'histoire a été racontée à Cocteau qui l'a lui même raconté à André Maurois. Ce dernier a dit dans son discours : «Nous sommes comme votre petite-nièce, nous ne voulons pas voir un académicien de plus entrer sous la Coupole mais nous voulons voir l'ange Heurtebise*.»

Cette année de 1955 est particulièrement chargée en émotion et en récompenses. Cocteau s'écrit : j'ai reçu cette année une raclée d'honneur ! Effectivement, juste avant il est reçu à l'Académie royale de Belgique et juste après il est nommé Docteur Honoris Causa à Oxford.

*L'ange Heurtebise, était un ange gardien, mais également une sorte de démon pour l'homme-orchestre artistique, Jean Cocteau. Il apparaissait comme muse, mais aussi comme ange de la mort et comme réincarnation de l'amant de Cocteau, Raymond Radiguet, mort prématurément. L'histoire veut que Cocteau se trouvait dans un ascenseur, lorsque l'ange lui parla et révéla son nom, identique à celui du fabricant d'ascenseurs, Heurtebise. Dans un état d’euphorie qui dura sept jours, Cocteau écrivit le poème L'ange Heurtebise. Bien que l'ange fût censé être inconnaissable et invisible, le photographe surréaliste, Man Ray, parvint à le fixer sur la plaque sensible, par une image appelée 'Rayogramme', que l'on fait apparaître en posant un objet sur du papier photo, puis en l'éclairant. Ce livre fut reproduit par la technique de l'héliogravure.

De tous les souvenirs qui s'échappent et remontent à la surface grâce à ce bel ouvrage didactique nous tendrons à croire son auteur : «il était terriblement discipliné et doué». «Je retiens une grande gentillesse, une grande politesse et surtout l'émulation dans la création.»

Un académicien photographié par un autre académicien : Lucien Clergue

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