« Le défi réactionnaire »

Avec Jean-Yves PRANCHERE, professeur de théorie politique à l’université libre de Bruxelles

Ce que l’on appelle la « pensée réactionnaire » est une vaste nébuleuse qui regroupe sous des ressemblances de surface des courants contraires. Parmi les points communs, on repère la déploration d’un effondrement des mœurs et des esprits, l’imputation de cette chute au nivellement démocratique, l’individu centré sur ses droits, incapable de grandeur et se contentant de la satisfaction de petits plaisirs ; et en opposition à la démocratie et à la liberté des modernes, l’exaltation des hiérarchies, la défense de la discipline collective, la promotion d’une éthique de la virilité. 

Comment faut-il entendre le mot « réactionnaire » ? Si le mot de « réaction » s’est imposé pour désigner ceux qui refusaient la Révolution et souhaitaient un retour à l’Ancien Régime, toutefois, ni J. de Maistre ni L. de Bonald ne souhaitaient revenir en arrière. Ils savaient que la révolution était irréversible et le résultat du devenir du régime monarchique. Ainsi, le réactionnaire est d’abord celui qui veut revenir d’une chute. Cette volonté de rétablissement se distingue de la volonté de simple préservation du conservateur qui a pour souci non de régénérer mais de résister au changement. Dès lors, l’enjeu sera davantage de voir en quoi et comment la pensée réactionnaire invite les progressistes, entendu comme ceux qui pensent que l’humanité doit faire des progrès, à méditer la question du salut lorsque celui-ci concerne le monde.

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