La chambre, Paul Géraldy

Robert Werner lit les poètes
Robert WERNER
Avec Robert WERNER
Correspondant

J’aime plus fort, aux fins des soirs trop doux, 
ma chambre tiède, intime, quotidienne, 
intérieure, où dans des clartés miennes, 
tout mon passé m’a donné rendez-vous. 

Je l’ai peuplée avec de vieilles lettres. 
Je m’y suis fait mes amours en lisant. 
Et le miroir où se rit ma fenêtre 
double pour moi le ciel insuffisant. 

Le grand fauteuil est tout plein des histoires 
d'un livre rouge et or que j'ai aimé.
Et mon enfance est là, dans les armoires, 
Qui dort tout bas sous des jouets brisés.

Parfois cependant, des fadeurs remontent 
des murs gris et lourds d'ennuis amassés.
Je n'écoute plus ce qu'il me racontent,
je n'ai plus d'amour pour mon temps passé.
 
Et tandis qu'usé par des habitudes
et n'évoquant plus ce qui dort en eux,
les objets qui me font une solitude,
je rêve à la chambre où nous serions deux.

Paul Géraldy, « La Chambre », Les Petites Âmes

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