Les académiciens racontent l’Histoire : Eugénie (2/2)

Avec des textes de Ernest Lavisse, Maurice Paléologue, Prosper Mérimée, Octave Aubry, et Georges Lacour-Gayet.
Avec Virginia Crespeau
journaliste

Plusieurs académiciens, Ernest Lavisse, Maurice Paléologue, Prosper Mérimée, Octave Aubry, et Georges Lacour-Gayet, de l’Académie française, ont laissé un portrait de l’impératrice Eugénie à la fois attachant et critique. Voici le deuxième volet de cette émission consacrée à ses goûts pour les voyages, à sa position vis-à-vis de la politique. Cette série est animée par Virginia Crespeau et Danielle Jeanne.

Émission proposée par : Virginia Crespeau
Référence : voi582
Télécharger l’émission (74.06 Mo)

Canal académie vous invite à l’écoute de cette seconde émission consacrée à l’Impératrice Eugénie à partir des textes des cinq académiciens entendus dans le premier volet : Ernest Lavisse, Maurice Paléologue, Prosper Mérimée, Octave Aubry, et Georges Lacour-Gayet.

Les extraits que vous pouvez lire ci-dessous sont très brefs. Nous vous conseillons de lire la totalité des extraits choisis dans le document joint indiqué à la fin de ce texte.

l’Impératrice Eugénie



- Le goût des voyages

L’Impératrice Eugénie avait le goût des voyages. Ecoutez ce que nous en rapporte l’académicien Georges Lacour-Gayet :

« Les voyages ont occupé une place importante dans la vie de l'Impératrice. Convenances politiques, besoin de se recueillir à la suite de deuils domestiques, désir de s'isoler après des découvertes dans son intérieur qui lui avaient fait de la peine, raisons de santé, curiosité naturelle, quelle qu'en ait été la cause, elle se déplaça à maintes reprises, et les déplacements d'une impératrice entraînent toujours à sa suite une partie plus ou moins grande de sa maison personnelle...

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Un rôle politique ?

Mais voici venir les temps difficiles… Après avoir évoqué la vie brillante et les succès de l’impératrice Eugénie, brossé un tableau de la cour impériale, des fêtes, nous évoquerons maintenant son rôle en politique et la dernière partie, plus sombre, de son existence.. L’impératrice se serait écriée : « Je déteste la politique.. » mais elle avait le goût du pouvoir.

- Voici le point de vue d'Ernest Lavisse (Ernest Lavisse préface au livre d’Augustin Filon intitulé « Souvenirs sur l’impératrice Eugénie » publié chez Calmann–Lévy en 1889-1891. Préface p XIX à XXII) :

l’académicien Ernest Lavisse

« Reste à parler de la politique. « Je déteste la politique, a dit et répété l’Impératrice ». Mais pourquoi donc lisait-elle quotidiennement cinq ou six journaux de France ou d’Angleterre? Ce n’était point pour s’amuser aux faits divers assurément. Ce qu’elle détestait dans la politique, c’est le travail régulier, suivi, méthodique, la besogne de bureau d’où sortent tant de papiers à lire. Mais s’élever au-dessus de ce terre à terre, planer, gouverner, régner… ? Cela est autre chose. N’oublions pas que, bien qu’elle ne fût pas le moins du monde hautaine, l’impératrice portait en elle la fierté d’être l’Impératrice des Français et aussi la fierté, au moins égale, d’être « grande d’Espagne ». Il n’est pas possible que ce double sentiment n’ait pas produit en elle, sans qu’elle se l’avouât à elle-même, de l’orgueil. Ne pas oublier non plus cette imagination qui se plaisait aux grands rêves. Quelles étaient ses idées sur le gouvernement de la France ? ...


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La guerre du Mexique

La guerre du Mexique (1855- 1867) : L’expédition du Mexique a pesé

Maurice Paléologue de l’Académie française

lourdement sur la destinée du Second Empire ; on accusa l’impératrice d’avoir poussé Napoléon III à cette guerre qui serait « sortie, pour ainsi dire, toute faite du petit salon privé de l’Impératrice » (Lacour-Gayet p63). Après le drame de Querétaro et l’exécution de l’empereur du Mexique Maximilien, un mot courut alors à Paris : « C’est la faute de l’Espagnole. » Plus tard en 1904, Maurice Paléologue s’entretient avec l’Impératrice Eugénie à ce sujet (« Les entretiens de l’impératrice Eugénie » par M. Paléologue 1928 Librairie Plon Chap. V P 95 à 108) :

- dimanche 10 janvier 1904. « A cette évocation du Mexique, l'impératrice rejette le buste en arrière, comme si une décharge électrique lui sillonnait l'épine dorsale. Et, d'une voix forte, les prunelles étincelantes :
— Vous excuser... Pourquoi ? Je n'ai pas honte du Mexique; je le déplore : je n'en rougis pas... Je suis même toujours prête à en parler, car c'est un des thèmes que l'injustice et la calomnie ont le plus exploités contre nous.

Elle s’applique alors à me démontrer que l’aventure mexicaine, dont les origines ont un si mauvais renom, fut au contraire la résultante d’une méditation très relevée, l’accomplissement d'une très haute pensée politique et civilisatrice :
— Je vous affirme que, dans la genèse de l’entreprise, les spéculations financières, les recouvrements de créances, les bons Jecker, les mines de Sonora et du Sinaloa ne tinrent aucune place ; nous n’y songions même pas. C’est beaucoup plus tard que les agioteurs et les fripons cherchèrent à profiter des circonstances. Mais on a vu cela dans toutes les grandes affaires humaines, sous tous les régimes, à toutes les époques. Tenez : je lisais récemment l’Histoire de la Réforme en Allemagne, de Jannsen. Eh bien ! J’y voyais le rôle énorme que les argentiers de Francfort, d'Augsbourg, de Nuremberg, ont joué dans la rivalité des princes catholique et des princes luthériens. La Réforme n'en est pas moins un des drames les plus émouvants qui aient soulevé la conscience chrétienne …



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Eugénie et ses trois régences

Est évoqué ensuite le rôle d’Eugénie pendant les 3 périodes de régence qu'elle s’était vue confiées en l’absence de l’Empereur.

- 1 - Prosper Mérimée dans sa lettre de juin 1859 évoque la première régence d’Eugénie. (Extrait lettre CCLXXXIX de Mérimée (Paris 10/6/1859) :

Prosper Mérimée de l’Académie française

« Tous les ministres sont émerveillés de la façon dont l’impératrice préside le Conseil et de sa facilité à comprendre les affaires. Il est impossible de faire son métier de souveraine avec plus de dévouement et d’intelligence. Elle sait la Constitution par cœur et cite les décrets et les sénatus-consultes comme un vieux conseiller d’Etat »

Le Piémont qui avait pour roi Victor Emmanuel II, était porteur de tous les espoirs des partisans de l’unité italienne. Napoléon III, qui était favorable au principe des nationalités et rêvait d’une fédération italienne présidée par le pape, soutient le Piémont quand il entre en guerre contre l’Autriche en 1859. Les victoires de Magenta et de Solférino donnent la Lombardie au Piémont. Florence, Modène, Parme, Bologne et Ferrare, insurgées, votent leur réunion au Piémont. C’est la première étape de l’unité italienne. L’académicien Octave Aubry évoque à son tour et la régence de 1859 : « L'armée française partit pour les Alpes. Des régiments défilèrent un matin, musique en tête, devant les Tuileries, acclamant l'Empereur. Grave, il les saluait de la main. Eugénie, tenant dans ses bras le Prince impérial, le montrait à ces jeunes hommes dont beaucoup allaient mourir et qui agitaient gaiement vers lui leurs képis. Elle pleurait. Ses larmes, trop lourdes, tombaient sans qu'elle put les retenir. Encore un peu et l'Empereur la quitterait pour prendre le commandement suprême. Il le voulait absolument. Il y allait, assurait-il, de son prestige. Il se croyait des talents militaires. Lui aussi, comme l'Autre aurait sa campagne d'Italie. Eugénie accompagna l'Empereur dans son train jusqu'à Montereau. A chaque station une foule les applaudissait. La guerre était populaire, surtout chez les ouvriers. Les vieux rêves de 48 agitaient encore les âmes. On servit le dîner. L'Impératrice distribua des médailles pieuses aux officiers qui partaient avec l'Empereur et leur serra la main à tous. Puis, sans faiblir, quoiqu'elle ne l'eut jamais quitté depuis six ans, elle embrassa Napoléon. Elle rentra à Paris, Régente...

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- 2ème Régence d’Eugénie en 1865, à l’occasion du voyage en Algérie de l’Empereur Napoléon III. La conquête de l’Algérie entreprise en 1830 par Charles X, se poursuit sous Louis-Philippe et Napoléon III. Napoléon III essaye de transformer la conquête en « royaume arabe » associé à la France et dont il serait lui-même le souverain L’émir Abd El Kader s’était rendu En décembre 1847. Placé en résidence surveillée en France, il fut libéré par napoléon III et résida ensuite en Syrie.

Ecoutez le récit qu’en fit l’Académicien Lacour-Gayet : « Au mois de mai 1865, alors que la guerre faisait rage au Mexique, Napoléon III était parti pour l’Algérie; son voyage dura cinq semaines. Au cours de son absence, l'Impératrice exerça la régence pour la seconde fois.

La famille impériale en 1865


Divers témoignages montrent que l'Impératrice voyait avec inquiétude les hésitations, les atermoiements, les contradictions de la politique impériale. Comme épouse et comme souveraine, elle souffrait de constater que l'état de santé de l'Empereur ne lui permettait pas de prendre des résolutions énergiques. On disait que Napoléon III était atteint de crises de rhumatisme; il était atteint, en réalité, d'une maladie de la vessie, de caractère très grave. L'Impératrice ne pouvait pas ne pas éprouver de grandes inquiétudes; elle faisait, à ce propos, des confidences au prince de Metternich...


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3 - 3ème régence : la guerre avec la Prusse. Depuis le début du XIX° siècle, la Prusse occupe dans le centre de l’Europe et en particulier en Allemagne, une place considérable. Le roi Guillaume Ier choisit en 1862 Otto von Bismarck pour chancelier. Bismarck exclut l’Autriche de la Confédération des états allemands, après la défaite de Sadowa en 1866. C’est l’amorce de du futur Empire allemand. La puissance de la Prusse va en augmentant. En 1870, la France entre en guerre contre la Prusse.
- Ernest Lavisse raconte : « Cette guerre sera ma guerre », aurait-elle dit, mais ce propos a été démenti par celui même que l’on assurait l’avoir entendu. D’autre part, M. de Parieu affirme que l’Impératrice lui demanda, au moment où il sortait d’un des derniers conseils tenus à Saint-Cloud, ce qu’il pensait de la situation. Il répondit: « Madame, je pense que, si l’Angleterre nous offrait sa médiation, nous aurions grand tort de ne pas l’accepter.» Elle répliqua : « Je le crois comme vous »
Mais il est vrai quelle accepta vite la guerre — bien plus vite que l’Empereur, qui ne fit que s’y résigner — Elle crut, comme à peu près tout le monde que la victoire était certaine et serait prompte. Elle rêva d’un retour triomphal des troupes; sous l’Arc élevé à la gloire de l’Oncle passeraient le neveu et le petit-neveu, Napoléon III et celui qui certainement un jour serait Napoléon IV. L’Empereur partit dont pour l’armée le 28 juillet. Et, deux jours après, il écrivait à la Régente une lettre désespérée, désespérante...


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La défaite, la fuite et l'exil...

- Après la défaite catastrophique de Sedan : la chute et l’exil, le 3 septembre Napoléon III est fait prisonnier. Il envoie un télégramme à la Régente : « L’armée est défaite et captive ; n’ayant pu me faire tuer au milieu de mes soldats, j’ai dû me constituer prisonnier pour sauver l’armée. Napoléon ». Le 4 septembre 1870, sous les cris « A bas Badinguet ! Vive la République ! », L’impératrice doit fuir en fiacre les Tuileries et se réfugier en Angleterre où la rejoint quelques jours après son fils, le prince Louis-Napoléon âgé de 14 ans. C’est la dernière lettre de Mérimée à la Comtesse de Montijo. Mérimée meurt le 23 septembre à Cannes....

Ecoutez la lecture de cette lettre et lisez-la dans le document joint ci-dessous.


- G. Lacour-Gayet évoque les temps d’exil de la famille impériale : Eugénie vécut 50 ans hors de France : « L'Impératrice ne pouvait demeurer dans l'hôtel de Hastings où le hasard l'avait conduite. Elle loua bientôt à Chislehurst, dans la banlieue sud de Londres, la propriété de Camden-Place, que lui avait indiquée le Dr Evans; elle s'y installa avec son fils dès le 2 septembre.
Elle était encore à Hastings, quand elle écrivit au Tsar Alexandre III et à l'Empereur François-Joseph deux lettres, de caractère privé, comme elle pouvait seulement en écrire à présent, pour solliciter l'intervention de l'un et de l'autre en faveur de la paix...


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Les deuils de l'impératrice

La mort de Napoléon III survint le 9 janvier 1873. Ce ne fut pas seulement un grand deuil pour sa veuve et pour son fils; ce fut encore un événement gros de conséquences politiques. Le nouveau chef du parti bonapartiste, Napoléon IV, était un jeune homme de près de dix-sept ans à cette époque, sur qui ses partisans pouvaient fonder de légitimes espérances. Dans les derniers jours du mois d'août 1870, quand on attendait les pires malheurs, l'Impératrice découragée avait envisagé pour le Prince impérial le repos du silence; elle avait dit à Mérimée : « J'espère que mon fils n'aura pas d'ambition et qu'il vivra heureux dans l'obscurité. » Le prince impérial, officier dans l’armée anglaise, meurt lors d’une mission en Afrique du Sud en 1879 : pris dans une embuscade, il succombe sous les sagaies des zoulous. Dès lors, Eugénie mène une vie d’errances. Sa vitalité reprend cependant le dessus : elle reste en relations avec les souverains de l’époque, s’intéresse aux nouvelles inventions, suit de près les affaires de l’Europe et le déroulement de la première guerre mondiale.

L'académicien Octave Aubry décrit Eugénie dans sa vieillesse :

Octave Aubry, de l’Académie française


« L’âge, après l’infortune, l’avait épurée. Ses rancunes finissaient de mourir. Elle aussi, à tant prolonger sa carrière, sentait refroidir son âme. Vivant témoin d’une époque encore plus enfouie que méconnue, elle comprenait maintenant des faits, des événements, des hommes que naguère elle ne comprenait pas. Arrivée enfin à la sérénité, après tant de misères, clignant ses yeux faiblissants, elle souriait. Cependant son intelligence demeurait active et prompte. Elle vivait de plus en plus par l’esprit. Elle suivait de près les recherches scientifiques, l’aviation, la T. S. F. Elle se faisait renseigner sur le radium et ses applications. Elle lisait toujours assidûment. Les questions de politique étrangère la préoccupaient avant tout...

Ecoutez la suite et lisez l'intégralité de ce texte dans le document joint ci-dessous.



Au Cap Martin, dans le voisinage de Menton sa villa Cyrnos, très accueillante aux écrivains et aux artistes était pour les mois d’hiver la résidence d’Eugénie.

- Voici son dernier entretien avec Maurice Paléologue en 1919 :

- « Vendredi, 5 décembre 1919. Voilà six années que je n'ai vu l'impératrice Eugénie. Et quelles années ! ...Dès le seuil du salon, je suis frappé de sa ruine. Elle a quatre-vingt-treize ans et demi ; elle touche donc au stade ultime du cycle vital. Sous la chevelure de neige, un teint livide, une peau rugueuse et ravinée, des joues flasques, des lèvres blanches, des narines pincées, des orbites caves, des prunelles vitreuses et fixes, un cou décharné, des mains squelettiques. Mais je m'aperçois vite que, dans ce corps misérable, continue de régner une âme énergique, tenace et fière...

Ecoutez la suite et lisez l'intégralité du texte dans le document joint ci-dessous.


Eugénie, âgée de 94 ans, meurt à Madrid, où elle avait voulu revoir son ciel de Castille.





- Revenez sur la vie palpitante de l'Impératrice Eugénie

- Et écoutez nos académiciens commenter les grands moments de l'histoire dans notre rubrique : Les Académiciens racontent l’Histoire...

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