Les grandes écoles et l’excellence scientifique par Bertrand Collomb

de l’Académie des sciences morales et politiques
Avec Marianne Durand-Lacaze
journaliste

Bertrand Collomb présente les grandes écoles d’ingénieurs, leur séparation de l’université et leur place dans l’économie : une particularité française. Bertrand Colomb, lui-même diplômé de l’X et des Mines, retrace dans cette communication, leurs origines, leur rôle dans la formation des élites françaises, et l’action qu’il conduit au sein de ParisTech. C’était le 2 février 2009, en séance, devant ses confrères, à l’Académie des sciences morales et politiques.

Émission proposée par : Marianne Durand-Lacaze
Référence : es516
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Qu'est-ce qu'un ingénieur à la française?

Sous l'ancien Régime déjà, la nécessité de créer des écoles pour former des géomètres, des dessinateurs, des ingénieurs du génie, des officiers s'était fait sentir. Ainsi l'École des Ponts et Chaussées, celle des Mines, l'ancêtre de l'École des Arts et métiers, sont les fruits de décisions royales. L'École Polytechnique, quant à elle, fut créée, au cours de la période révolutionnaire, en 1795. Le XIX e siècle, comme le XX e, apparaissent florissants pour la création d'écoles d'ingénieurs en rapport avec la modernité industrielle et technologique. Si bien qu'aujourd'hui, la France en compte 226 qui forment 30 000 étudiants. Ainsi, à chaque nouveau besoin important lié au développement des sciences et techniques, a correspondu la création d'une de ces écoles. À la fin du XIX e, les universités françaises ont connu une refonte et un renouveau, par la loi de 1896. Mais les tentatives de formation d'ingénieurs au sein des universités , par la création des INSA, échoua.

Quelle différence entre un homme de science et un ingénieur?

Bertrand Collomb revient sur le principe des classes préparatoires, du concours sélectif à l'entrée des grandes écoles et sur la fragmentation du système des grandes écoles qui nuit particulièrement à leur rayonnement international.

Sa communication porte sur la relation des écoles d'ingénieurs avec la science. L'enseignement au sein des grandes écoles donnaient peu d'importance à la recherche, il y a encore trente ans.

Extrait :

«D'autre part l'écrémage des meilleurs élèves du secondaire par les classes préparatoires, puis par les grandes écoles, conduit les meilleurs élèves des disciplines scientifiques dans des parcours qui les éloignent des sciences et de la recherche, en les orientant vers des carrières d'ingénieur, mais plus souvent encore vers des postes de managers, voire plus récemment de banquiers et de consultants. Il n'est pas surprenant dans ces conditions que les plus grands scientifiques de notre pays se plaignent d'être privés de leurs meilleurs élèves potentiels.»

Cette critique souvent faite aux grandes écoles d'ingénieurs lui paraît caricaturale et ne plus correspondre tout à fait au modèle d'enseignement. Après s'être interrogé sur les critères qui peuvent définir l'excellence scientifique, Bertrand Collomb s'appuie sur le rapport de Robert Chabbal, ancien directeur général du CNRS, qui estime à 8500 le nombre de chercheurs des grandes écoles d'ingénieurs. Ces dernières habilitées à la délivrance de doctorats, ancien apanage de l'université, forment 2000 docteurs par an, sur un total de 6000 doctorats scientifiques délivrés chaque année. Si un grand nombre s'accorde sur la nécessaire évolution des grandes écoles d'ingénieurs et de leurs relations avec les universités, les modalités d'évolution font débat.

Les grandes écoles pourraient devenir des collegia d'ingéniérie de grandes universités multidisciplinaires : une proposition du rapport Chabbal. Sur ce rapprochement, Bertrand Collomb est réservé. Il lui préfère un modèle en cours de réalisation qu'incarne la création de ParisTech, l'Institut parisien des sciences et des technologies, qui s'inspire de l'autonomie des collèges de Cambridge pour atteindre le rayonnement d'un MIT parisien. Dix écoles d'ingénieurs parisiennes participent depuis dix ans à cette expérience de coopération stratégique, confortée récemment grâce à la création d'un PRES (Pôle de recherche et d'enseignement supérieur) en 2007, géré par un établissement public de coopération scientifique qu'il a l'honneur de présider et dont il présente, dans cette communication, les moyens, les objectifs et l'ambitieuse politique de partenariat en France et en Europe.

Bertrand Collomb de l’Académie des sciences morales et politiques, 2 février 2009
© Canal Académie

- Bertrand Collomb en quelques mots

Diplômé de l'École polytechnique et de l'École des mines, Bertrand Collomb a assuré, parallèlement à ses fonctions administratives, des charges d'enseignement et de recherches. Entré en 1975 chez Lafarge, il en est président d'honneur depuis 2007, après avoir été président-directeur général de 1989 à 2007. Bertrand Collomb, membre de l'Académie des sciences morales et politiques a été nommé président du Conseil d'administration de l'Institut des hautes études pour la science et la technologie le 15 mai 2007 (IHEST).

En savoir plus

- Bertrand Collomb, membre de l'Académie des sciences morales et politiques depuis 2001, dans la section Économie politique, Statistique et Finances
- Texte de la Communication de Bertrand Collomb, le 2 février 2009, à l'Académie des sciences morales et politiques
- Site de ParisTech

Quelques chiffres :

- Nombre d'étudiants en France 2 254 386
- dont universités (IUT compris) 1 399 177
- dont classes post-bac : C.P.G.E. et S.T.S. 304 489
- dont formations d'ingénieurs 108 846
- Autres second degré agriculture et spécial santé, etc. 231 968
(source : ministère de l'Éducation nationale et du supérieur)

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