Yves MILLECAMPS

Membre de l'Académie des beaux-arts

Yves Millecamps est né à Armentières le 27 décembre 1930. Passionné de dessin et de peinture dès sa jeunesse, mais issu d’une famille où rien ne le prédisposait à se tourner vers le monde de l’art, il suit des cours du soir, et grâce à cette préparation, réussit le concours d’entrée à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris en juin 1950 et en suivra l’enseignement pendant quatre ans.

Jean Lurçat rencontré en 1952 l’incitera vivement à créer des cartons de tapisseries, ce qu’il fera en 1956. Ils seront tissés à Aubusson-Felletin. Séduit et enthousiasmé par ce mode d’expression, il est rapidement reconnu par ses pairs et sélectionné pour participer à la Première Biennale Internationale de la Tapisserie de Lausanne en 1962. À trente-cinq ans, il partage avec Jean Lurçat en 1965, une commande monumentale pour la nouvelle Faculté des sciences de Rennes. Il a créé plus de cent tapisseries (1) dont la dernière pour le chœur de la Cathédrale Notre Dame de la Treille à Lille en 1998.

ll s’intéresse également aux possibilités qu’offre le travail du métal, et présentera des objets de culte en laiton au 10e Salon d’art sacré en 1960. En 1967, il réalise son premier grand relief en acier inoxydable, matériau qui associe netteté et précision, s’accordant parfaitement à ses graphismes rigoureux ; il l’utilisera régulièrement dans son activité de sculpteur.

Il découvre la sérigraphie en 1967, en réalisera une trentaine, transposera aussi son style sur de nombreux autres supports, notamment lors de commandes de la Monnaie de Paris ou de particuliers pour une dizaine de médailles, de décors pour la Manufacture de Sèvres, ou encore pour des montres et de manière plus confidentielle, des bijoux.

Cependant, Yves Millecamps est essentiellement un peintre. Il s’oriente définitivement vers l’abstraction géométrique à partir de 1963, ligne à laquelle il est toujours resté fidèle. En 1966, il adopte la peinture acrylique dont les propriétés répondent totalement à ses exigences. Son travail est long et minutieux, il réalise systématiquement de très nombreuses ébauches et études préparatoires.

Pour lui, la peinture est avant tout une organisation graphique. Il commence toujours ses recherches par le tracé de réseaux, de formes, contours, qui parfois se substituent les uns aux autres. La structure linéaire établie, la couleur intervient, pouvant remettre le graphisme en question, le modifier. Alors, il révise sa composition, l’épure. Mais toujours en praticien de la peinture, non en théoricien ou en esthète. Seuls le besoin, le plaisir et l’envie de créer l’ont toujours guidé. C’est d’ailleurs ce qui explique son aspiration, son attirance pour l’abstraction ; il y trouve la merveilleuse occasion d’inventer, de concevoir autant de formes, de dispositions, d’agencements que son imagination peut en produire. Pas de discours métaphysique, pas de justification théorique, de spéculation esthétique. Il n’éprouve nullement le besoin de légitimer les œuvres nées de son travail méthodique, passionné, exaltant et poétique. Il aime citer Rodin : « Comme la sculpture est muette, j’ai bien le droit, sinon le devoir, de me taire [2] ». La réalisation d’une œuvre n’est rien d’autre pour lui que le fruit d’une émotion, d’un désir profond d’organisation graphique, de construction linéaire enrichie et exaltée par la couleur.

En 2017 il a reçu la commande de deux grandes peintures pour la Faculté de Pharmacie de Paris.

Yves Millecamps s’est toujours attaché à élaborer un corpus graphique original très personnel. Acceptant et revendiquant sa spécificité, son parcours est celui d’un obstiné solitaire, affirmé et exigeant.

Il a construit son destin avec ferveur et discrétion.

Il vit et travaille à Poissy et à Saint-Germain-en-Laye.

En 2018, il a fait une importante donation à la ville d’Angers : 25 tapisseries, 152 maquettes gouachées, 1 carton de tapisserie, 2 peintures et une sculpture accompagnée de sa maquette [3].

Yves Millecamps est Chevalier de la Légion d'Honneur, Officier des Palmes Académiques et Officier des Arts et Lettres.

[1] Gérard Denizeau, Yves Millecamps, tapisseries 1956 – 1975, Éditions Somogy, 2013.

[2] Dans son bref discours lors du banquet de la Plume donné en son honneur, en 1893.

[3] Millecamps, Tapisseries – Années 1960-1970/Donation aux Musées d’Angers, cat. d’exp., 30 juin 2018 – 6 janvier 2019, Angers, Musée Jean Lurçat et de la tapisserie contemporaine.

Comme l'écrit Serge Lemoine :

"Un tableau d’Yves Millecamps se reconnaît d’emblée. Non parce qu’il est abstrait, mais parce qu’il montre un jeu de formes bien ordonnées et en même temps nouées, qui composent une image inédite et riche de multiples commentaires et interprétations.

C’est à la suite d’une évolution conduite en toute logique que Millecamps est parvenu à trouver sa voie en 1963, en se tournant vers la peinture abstraite géométrique et en continuant de la suivre jusqu’à aujourd’hui. Dans un style qui n’appartient qu’à lui. Rien de Mondrian, de Delaunay ou de Herbin, pour remonter aux origines, mais sans doute des rapports sur le fond avec Kupka dans l’évocation de ces mondes en formation et en constante métamorphose.

La peinture de Millecamps est la représentation d’une structure à un moment donné tout autant que la traduction de rythmes. Les réseaux qui parcourent et ordonnent la composition traduisent à la fois la stabilité et le mouvement dans un espace à deux dimensions où ne se trouvent ni haut ni bas, où les formes viennent de tous les côtés pour se rencontrer et marquer dans un équilibre provisoire un temps d’arrêt Il y a des périodes dans le travail d’Yves Millecamps, avec des thèmes qui sont développés puis se transforment et amènent à une nouvelle étape.

L’art abstrait d’Yves Millecamps dans son unité même se révèle d’une grande diversité au fur et à mesure de son évolution, chaque période, chaque groupe d’oeuvres appelant des images, évoquant des formes qui ont trait à l’architecture, au plan, à la carte, au territoire, à la machine, à l’espace ou aux abysses, sans que jamais rien ne soit décrit ni explicité. C’est à partir de Victor Servranckx qu’il faut comprendre Yves Millecamps, c’est avec Konrad Klapheck qu’il faut le regarder. Dans le courant de l’abstraction géométrique qui se poursuit depuis le début du XXe siècle avec tant de variété, Yves Millecamps occupe une place à part. Il existe une autre raison pour qu’Yves Millecamps occupe cette place à part : sa pratique de la tapisserie. Il s’y est consacré de 1956, alors qu’il était un peintre figuratif, à 1975, quand il était depuis longtemps abstrait."

Extraits de la préface de Serge Lemoine (Gérard Denizeau, Yves Millecamps, tapisseries 1956 – 1975, Éditions Somogy, 2013)

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